Sur les conclusions à fin d’annulation : Le cadre légal : 

7. En premier lieu, l’article L. 613-1 du code de l’éducation, après avoir rappelé le monopole de l’Etat pour « la collation des grades et titres universitaires » énonce, à son deuxième alinéa, que les diplômes nationaux qui confèrent ces grades et titres, « ne peuvent être délivrés qu’au vu des résultats du contrôle des connaissances et des aptitudes, appréciés par les établissements accrédités à cet effet ». 

8. Il résulte de ces dispositions que la délivrance des diplômes est obligatoirement subordonnée à un contrôle, nécessairement individuel, des connaissances et des aptitudes des élèves, avec les mêmes garanties d’égalité et d’impartialité pour chacun, ce qui exclut toute validation générale et indifférenciée ou une validation qui ne sanctionnerait pas des connaissances et des aptitudes suffisantes. 

9. De cette exigence d’un contrôle dépend la validité des diplômes nationaux lesquels, ainsi que le précise le dernier alinéa de l’article L. 613-1 du code de l’éducation, confèrent « les mêmes droits » à tous leurs titulaires, quel que soit l’établissement qui les a délivrés. 

10. En deuxième lieu, aux termes de l’article 1 de l’ordonnance n° 2020-351 du 27 mars 2020 relative à l’organisation des examens et concours pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19 : « Sauf mentions contraires, les dispositions de la présente ordonnance sont applicables du 12 mars au 31 décembre 2020 à toutes les modalités d'accès aux formations de l'enseignement supérieur et de délivrance des diplômes de l'enseignement supérieur, y compris le baccalauréat, et à toutes les voies d'accès aux corps, cadres d'emplois, grades et emplois de la fonction publique. / Elles ne sont mises en œuvre que dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation ». Aux termes de l’article 2 de cette même ordonnance : « Nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire, les autorités compétentes pour la détermination des modalités d'accès aux formations de l'enseignement supérieur dispensées par les établissements relevant des livres IV et VII du code de l'éducation ainsi que pour la détermination des modalités de délivrance des diplômes de l'enseignement supérieur, y compris le baccalauréat, peuvent apporter à ces modalités les adaptations nécesaires à leur mise en œuvre. S'agissant des épreuves des examens ou concours, ces adaptations peuvent porter, dans le respect du principe d'égalité de traitement des candidats, sur leur nature, leur nombre, leur contenu, leur coefficient ou leurs conditions d'organisation, qui peut notamment s'effectuer de manière dématérialisée. / Les adaptations apportées en application du présent article sont portées à la connaissance des candidats par tout moyen dans un délai qui ne peut être inférieur à deux semaines avant le début des épreuves ».

11. Ces dispositions donnent une grande latitude aux établissements pour déterminer les adaptations qui peuvent être apportées aux modalités d’organisation des examens et concours eu égard à la situation particulière créée par l’état d’urgence sanitaire. 

12. Toutefois les adaptations ainsi prévues, permettant notamment, de déroger à la règle selon laquelle il ne peut être apporté de modifications au calendrier et aux programmes des épreuves des examens et concours en cours d’année, ne peuvent porter sur le principe fondamental du contrôle des résultats des élèves, ou méconnaître le principe d’égalité et celui de l’indépendance et de l’autorité souveraine des jurys.

13. En outre, en renvoyant expressément aux « autorités compétentes » le pouvoir de définir les adaptations nécessaires à la limitation de la propagation de l’épidémie de covid-19, l’ordonnance du 27 mars 2020 exclut que les établissements modifient « le cadre national des formations » mentionné au 5e alinéa de l’article L. 613-1 du code de l’éducation ou « les conditions d’obtention des titres et diplômes » faisant l’objet du 7e alinéa du même article, lesquels relèvent de la seule compétence du ministre de l’enseignement supérieur. 

14. En troisième lieu, en vertu du I de l’article L. 712-6-1 du code de l’éducation, issu de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, la commission de la formation et de la vie universitaire du conseil académique (CFVU) est consultée sur les programmes de formation des composantes. Elle est compétente en application du 2° du I de cet article, pour adopter les « règles relatives aux examens ». Cette compétence ne saurait, cependant, empiéter sur les règles communes qu’il revient au seul ministre de fixer, ni sur le pouvoir souverain des jurys, ainsi qu’il ressort des travaux parlementaires préalables à l’adoption de la loi. 

L’examen des moyens : 

15. Le recteur conteste la légalité des deux délibérations du 16 avril 2020 et du 5 mai 2020, par des moyens tirés de ce que ces délibérations méconnaissent le principe fondamental du contrôle des connaissances, excédant ainsi le champ de compétence dévolu à la CFVU, de ce que les mesures prévues ne sont ni nécessaires ni proportionnées au sens des articles 1er et 2 de l’ordonnance du 27 mars 2020 précité et, enfin, de ce qu’elles méconnaissent le principe d’égalité et celui de l’indépendance et de la souveraineté des jurys. 

16. Ces moyens ne portent pas indistinctement sur les deux délibérations, lesquelles sont différentes ainsi qu’il a été dit au point 5, et doivent, en conséquence, faire l’objet d’un examen séparé. 

En ce qui concerne la délibération du 16 avril 2020 : 

17. Par la délibération contestée, la CFVU a décidé que les rattrapages du premier semestre seraient annulés et que tous les élèves concernés valideraient ce semestre avec la note de 10/20. Elle a énoncé ensuite que, « suivant le renvoi de la moyenne du premier semestre sur le second », ce dernier serait « validé également à 10/20 ». Elle a arrêté, en outre, que, sur toute l’année, aucune défaillance ne pourrait être constatée, et ce pour tous les étudiants de l’université́ et, enfin, que « tous les stages participant à la diplomation seraient neutralisés dans toutes les composantes ». 

18. En décidant ainsi la suppression des examens de rattrapage, la validation par une note moyenne de 10 des résultats du premier et du second semestre, que les élèves aient été ou non présents, et la neutralisation de tous les stages, de façon générale et indifférenciée, la CFVU a méconnu le principe de l’obligation d’un contrôle des connaissances et des aptitudes. 

19. Il résulte de ce qui précède que la délibération du 16 avril 2020, dont les dispositions sont indivisibles, est entachée de violation de la loi et d’excès de pouvoir dans sa totalité. Par suite, le recteur est fondé à en demander l’annulation. 

En ce qui concerne la délibération du 5 mai 2020 :  S’agissant de la violation de la loi : 

20. Aux termes de la dernière phrase de l’article 3 de cette délibération : « Si la moyenne d’une matière ou d’une UE est inférieure à 10, une dispense sera accordée à l’étudiant ». Le deuxième tiret de l’article 4 prévoit les mesures suivantes : « (...) Les enseignements dans lesquels l’équipe pédagogique juge qu’il n’y a pas eu de continuité pédagogique ou un contrôle continu jugé insuffisant et non représentatif feront l’objet d’une dispense. / Seules les notes supérieures à 10 obtenues par le biais de ces travaux seront intégrées à la note finale. Des dispenses devront être accordées pour les notes inférieures à 10/20. Les jurys sont autorisés, selon leurs prérogatives habituelles, à accorder des points supplémentaires pour répondre à la situation exceptionnelle. Les étudiants pourront demander à faire indiquer sur leur relevé de notes les moyennes obtenues dans les matières dispensées. Dans le cas où l’étudiant demande à ce que les notes dispensées figurent sur le relevé de notes officiel, la moyenne du semestre reste calculée à partir des notes supérieures à la moyenne, comme pour l’ensemble des étudiants. ». Enfin, aux termes de l’article 10-1 de la même délibération: « Les dispositions exposées dans les articles précédents s’appliquent aux étudiants en mobilité entrante. / De plus, du fait de l’éloignement géographique et du cas particulier de ces étudiants, la CFVU permet au jury de délivrer les ECTS correspondants à leur cursus effectué à Paris 1 à ces étudiants en mobilité entrante, afin qu’ils puissent s’inscrire pour la rentrée prochaine dans leur université d’origine, facilitant ainsi les échanges internationaux et ne bloquant pas le dossier d’un étranger d’une université externe dans son université d’accueil ». 

21. En instaurant par les dispositions précitées un régime général de dispenses, que les résultats des élèves aient pu, ou non, être appréciés, la CFVU a méconnu le principe du contrôle des connaissances et des aptitudes et commis un excès de pouvoir. Elle a, en outre, privé ainsi les jurys d’exercer effectivement leur pouvoir d’appréciation et méconnu le principe d’égalité. Il en résulte que le recteur est fondé à demander l’annulation de ces dispositions. 

S’agissant de la nécessité des mesures prévues : 

22. L’article 1 de la délibération énonce à sa troisième et dernière phrase que (...) « Les examens en présentiels du semestre pair qui devaient se tenir du 5 mai au 20 mai 2020 sont annulés, les sessions en présentiel de rattrapage initialement prévues du 15 juin au 4 juillet 2020 sont également annulées, et toutes ces sessions ne sont pas reconductibles à une date ultérieure. ». Aux termes, par ailleurs, de l’article 2 de la même délibération du 5 mai 2020 : « Dans le cadre de la crise sanitaire du COVID 19, et des inégalités qu’elle révèle entre les étudiants de l’université, certains ne disposant pas ou de peu d’accès à internet, la CFVU statue sur l’impossibilité pour toutes les composantes et les enseignants de mettre en place des partiels ou des rattrapages en ligne en temps imparti et de façon synchronisée, que ceux-ci se fassent par écrit ou à l’oral. Quant aux partiels, la CFVU affirme que seuls des travaux pour lesquels l’étudiant dispose d’un délai de deux semaines minimum seront acceptés dans la note finale ». Aux termes de l’article 2 de la délibération du 5 mai 2020 : « Dans le cadre de la crise sanitaire du COVID 19, et des inégalités qu’elle révèle entre les étudiants de l’université, certains ne disposant pas ou de peu d’accès à internet, la CFVU statue sur l’impossibilité pour toutes les composantes et les enseignants de mettre en place des partiels ou des rattrapages en ligne en temps imparti et de façon synchronisée, que ceux-ci se fassent par écrit ou à l’oral. Quant aux partiels, la CFVU affirme que seuls des travaux pour lesquels l’étudiant dispose d’un délai de deux semaines minimum seront acceptés dans la note finale ». Enfin, en vertu du premier tiret de l’article 4, tous les examens terminaux sont supprimés et remplacés par des travaux à rendre dans un délai de deux semaines minimum, selon un calendrier qui fixe un délai de trois semaines à compter du 8 juin 2020, date de la fin de la première session du semestre pair pour les corrections. 

23. Sans méconnaître les difficultés de l’organisation de l’enseignement et des examens à distance, au demeurant établies par une enquête réalisée à l’instigation de l’université, les mesures prises par cette dernière, qui présentent un caractère général et absolu et ne réservent aucune possibilité d’aménagement ou ne tiennent pas compte de la spécificité des différentes formations, n’apparaissent ni nécessaires ni proportionnées au sens des dispositions précitées de l’article 1er de l’ordonnance du 27 mars 2020. 

24. Les dispositions de l’article 5, qui sont indissociables de celles des articles 1, 2 et 4, sont également entachées d’illégalité. 

25. Il résulte de ce qui précède que le recteur est fondé à soutenir que les mesures contestées méconnaissent l’ordonnance du 27 mars 2020. Il est en conséquence fondé à en demander l’annulation. 

S’agissant de la méconnaissance du principe d’égalité : 

26. L’article 7 de la même délibération du 5 mai 2020 dispose qu’étant donné « la situation exceptionnelle que les étudiants et l’université Paris 1 ont rencontré́, et rencontrent encore, tout au long de l’année scolaire 2019/2020 (grèves, pandémie, changements fréquents de calendrier), l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne décide d’adopter des mesures toutes aussi exceptionnelles en annulant les défaillances de tous ses étudiants afin de ne pas les plonger dans des difficultés - qui peuvent être financières pour les boursiers notamment - supplémentaires. Toute notion de « défaillance » sera supprimée et remplacée par une dispense de l’UE ou élément concerné ». 

27. Par ces dispositions, qui suppriment toute notion de défaillance, pour tous les étudiants, de façon générale et absolue, sans ménager la possibilité d’une appréciation individuelle des situations, la CFVU a, en plus de méconnaître l’obligation du contrôle des connaissances et des aptitudes, méconnu le principe d’égalité. Le recteur est, par suite, fondé à en demander l’annulation. 

28. Les autres dispositions de la délibération du 5 mai 2020, qui ne sont pas contraires à ce qui a été indiqué ci-dessus et qui ne sont, au demeurant ni explicitement ni implicitement contestées par le recteur, ne peuvent être regardées comme entachées d’illégalité. Par suite, le surplus des conclusions du recteur contre la délibération du 5 mai 2020 doit être rejeté. 

Sur les conclusions à fin d’injonction : 

29. Aux termes de l’article 3 de l’ordonnance du 27 mars 2020: « Lorsque l'autorité compétente mentionnée au premier alinéa de l'article 2 est un organe collégial d'un établissement et qu'il peut délibérer dans des délais compatibles avec la continuité du service, cet organe collégial peut décider de déléguer au chef d'établissement sa compétence pour apporter les adaptations mentionnées au même article. Lorsque cet organe collégial ne peut délibérer dans des délais compatibles avec la continuité du service, les adaptations mentionnées à cet article sont arrêtées par le chef d'établissement. Ce dernier en informe alors, par tout moyen et dans les meilleurs délais, l'organe collégial compétent ». 

30. Il y a lieu de faire injonction au président de l’université Paris I, Panthéon Sorbonne de prendre, dans le délai de huit jours à compter de la notification de présent jugement, les mesures nécessaires pour que soient arrêtées les adaptations aux modalités de délivrance des diplômes, notamment aux modalités de contrôle des connaissances, dans le respect des règles rappelées ci-dessus, le cas échéant, s’il s’y croit fondé, en faisant application des dispositions précitées du deuxième paragraphe de l’article 3 de l’ordonnance du 27 mars 2020. 

D EC I D E : 

Article 1er : Les interventions de l’association Fédé Paris 1, de l’association le Poing Levé, de Mme A. et de l’Association Générale des Étudiants (AGE UNEF) de Paris, de Mme B., du SNESUP-FSU, de la CGT université Paris I, des collectifs enseignants administratifs élus enseignants, de l’association Communauté Juridique des Etudiants de la Sorbonne – CJES, de l’association Solidaires Etudiant-E-S Paris I, de M. C., de M. E. et de Mme F. sont admises. 

Article 2 : La délibération du 16 avril 2020 de la commission de la formation et de la vie universitaire (CFVU) du conseil académique de l’université Paris I, Panthéon Sorbonne est annulée. 

Article 3 : Les dispositions de la dernière phrase de l’article 1, celles de l’article 2, de la dernière phrase de l’article 3, de l’article 4, à l’exception du dernier alinéa, de l’article 5, de l’article 7 et de l’article 10-1 de la délibération du 5 mai 2020 sont annulées. 

Article 4 : Il est fait injonction au président de l’université Paris I, Panthéon Sorbonne, de prendre, dans le délai de huit jours à compter de la notification de présent jugement, les mesures nécessaires pour que soient arrêtées les adaptations aux modalités de délivrance des diplômes, notamment aux modalités de contrôle des connaissances, dans le respect des règles rappelées ci-dessus, le cas échéant, s’il s’y croit fondé, en faisant application des dispositions précitées du deuxième paragraphe de l’article 3 de l’ordonnance du 27 mars 2020. 

Article 5: Le surplus des conclusions du déféré est rejeté. 

Article 6 : Le présent jugement sera notifié au recteur de la région académique Île-de-France, recteur de l’académie de Paris, chancelier des universités de Paris, au président de l’université Paris I, Panthéon Sorbonne, à l’association Fédé Paris 1, à l’association le Poing Levé, à Mme A. et à l’Association Générale des Étudiants (AGE UNEF) de Paris, à Mme B., au SNESUP-FSU, à la CGT université Paris I, aux collectifs enseignants administratifs, à l’association Communauté Juridique des Etudiants de la Sorbonne – CJES, à l’association Solidaires Etudiant-E-S Paris I, à M. C., à M. E., à Mme F. et à Mme D.