La société Chantelle, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° S 19-13.569 contre l'arrêt rendu le 11 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 13), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Picardie, dont le siège est [...] ,

2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vieillard, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Chantelle, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Picardie, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vieillard, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 janvier 2019), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2009 à 2011, l'URSSAF de Picardie (l'URSSAF) a notifié à la société Chantelle (la société), une lettre d'observations comportant plusieurs chefs de redressement, puis lui a adressé les 12, 13 et 18 décembre 2012, cinq mises en demeure, pour un montant total de 264 078 euros.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a validé le redressement du chef de la contribution patronale sur les options de souscription d'action, alors :

« 1°/ que la société exposante faisait valoir qu'au titre de l'année 2010 elle n'avait pas fait de choix pour l'un des termes de l'option ; qu'en lui opposant qu'elle a rempli un bordereau récapitulatif en décembre 2010 mentionnant une assiette de contribution de 568 700 € correspondant à 220 actions d'une valeur de 2 585 € par action, que l'Urssaf en déduit dans ses conclusions que la société avait donc pris l'option de "déclarer les actions à 100 %" , tout en relevant que l'option de déclaration des actions à 100 % de leur valeur n'existe pas, la cour d'appel qui décide qu'il n'appartient cependant pas à l'Urssaf de procéder aux nouveaux calculs et qu'elle était donc fondée à s'en tenir à la déclaration faite par la société, ne tire pas les conséquences légales s'évinçant de ses constatations dont il ressortait que l'exposante n'avait pas fait choix de l'un des termes de l'option dés lors que l'option de déclaration des actions à 100 % de leur valeur n'existe pas et partant a violé l'article L. 137-13 I du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

2°/ que l'exposante faisait valoir qu'en 2011 elle n'avait pas déclaré ni payé de cotisations au titre de la contribution patronale, n'ayant de ce fait pas exercé d'option, qu'elle contestait l'application automatique faite par l'Urssaf de l'assiette égale à 100 % de la valeur des actions ; qu'en décidant que c'est à tort que la société, qui ne conteste pas sa défaillance, soutient que la contribution due ne peut qu'être assise sur une assiette correspondant à 25 % de la valeur des actions sur lesquelles portent les options à la date de la décision d'attribution, que l'Urssaf n'ayant pas à procéder aux calculs que la société aurait dû faire, seule une assiette égale à 100 % de la valeur des actions pouvait être retenue, sans préciser sur la base de quelle disposition légale le défaut de déclaration et de paiement était sanctionné par l'application automatique de ce terme de l'option, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

3°/ que l'exposante faisait valoir qu'en 2011, elle n'avait pas déclaré ni payé de cotisations au titre de la contribution patronale, n'ayant de ce fait pas exercé d'option, qu'elle contestait l'application automatique faite par l'Urssaf de l'assiette égale à 100 % de la valeur des actions ; qu'en décidant que c'est à tort que la société, qui ne conteste pas sa défaillance, soutient que la contribution due ne peut qu'être assise sur une assiette correspondant à 25 % de la valeur des actions sur lesquelles portent les options à la date de la décision d'attribution, que l'Urssaf n'ayant pas à procéder aux calculs que la société aurait dû faire, seule une assiette égale à 100 % de la valeur des actions pouvait être retenue, la cour d'appel qui oppose à l'exposante pour justifier cette automaticité, que l'Urssaf n'avait pas à procéder aux calculs que la société aurait dû faire, se prononce par un motif inopérant insusceptible de justifier l'application automatique non prévue par la loi du terme de l'option retenue par l'Urssaf et elle a violé l'article L. 137-13 I du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 137-13, I, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1786 du 19 septembre 2007, applicable au litige, et les articles 455 et 458 du code de procédure civile :

4. Il résulte du premier de ces textes qu'en cas d'options de souscription ou d'achat d'actions, la contribution qu'il prévoit s'applique, au choix de l'employeur, à une assiette égale, soit à la juste valeur des options telle qu'elle est estimée pour l'établissement des comptes consolidés pour les sociétés appliquant les normes comptables internationales adoptées par le règlement (CE) n° 1606 / 2002 du Parlement européen et du Conseil du 19 juillet 2002 sur l'application des normes comptables internationales, soit à 25 % de la valeur des actions sur lesquelles portent ces options, à la date de la décision d'attribution. Ce choix est exercé par l'employeur pour la durée de l'exercice pour l'ensemble des options de souscription ou d'achat d'actions qu'il attribue ; il est irrévocable durant cette période.

5. Pour valider le chef redressement au titre de la contribution patronale sur les options de souscription d'action, l'arrêt énonce que, s'agissant de la contribution patronale due pour 2010, la société a rempli un bordereau récapitulatif en décembre 2010 mentionnant une assiette de contribution de 568 700 euros correspondant à 220 actions d'une valeur de 2 585 euros par action, que l'URSSAf en déduit dans ses conclusions que la société avait donc pris l'option de déclarer les actions à 100 %, et que, bien que l'option de déclaration des actions à 100 % de leur valeur n'existe pas, il n'appartient pas cependant à l'URSSAF de procéder aux nouveaux calculs. S'agissant de la contribution patronale pour 2011, l'arrêt retient que la société a fait l'objet d'un redressement pour un montant de 54 267 euros au motif qu'elle n'avait procédé à aucune déclaration et ne s'était pas acquittée de la contribution patronale, alors que la lettre d'observation faisait apparaître que la société aurait dû déclarer 345 actions à 1 835 euros, et que l'URSSAF n'ayant pas à procéder aux calculs que la société aurait dû faire, seule une assiette égale à 100 % de la valeur des actions pouvait être retenue.

6. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la nature des sommes litigieuses au regard de la règle d'assiette, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

7. La société fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il a annulé le redressement du chef des "licenciements transactions" concernant trois salariés, alors « que le redressement portait notamment sur les transactions conclues avec ceux-ci, dont l'une en position de retraite et deux autres ayant fait l'objet d'un licenciement, le premier pour faute et l'autre pour insuffisance professionnelle, chaque transaction ayant ses particularités propres à la situation de chacun des salariés ; que la société exposante faisait valoir le caractère indemnitaires des sommes versées dans le cadre de l'exécution de ces transactions ; qu'en se contentant, pour infirmer le jugement, de retenir que dès lors qu'il s'est agi pour la société, pour ces trois salariés, d'éviter des procédures contentieuses relatives aux conséquences financières de la rupture du contrat de travail, les sommes versées constituaient bien, dans l'intention des parties, des éléments de salaire, quand il lui appartenait de rechercher au regard de la situation particulière de chacun des salariés concernés et de chacune des transactions litigieuses, lesquelles n'avaient pas le même objet, en quoi les indemnités transactionnelles litigieuses n'avaient pas un fondement indemnitaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, ensemble l'article 1315, devenu l'article 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 242-1, alinéa 1er et 10ème, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, et l'article 1315 devenu 1353 du code civil :

8. Il résulte des dispositions du premier de ces textes que les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail autres que les indemnités mentionnées au dixième alinéa sont comprises dans l'assiette de cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, à moins que l'employeur ne rapporte la preuve qu'elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice.

9. Pour valider le redressement du chef des licenciements transactions litigieux, l'arrêt se borne à énoncer que dès lors qu'il s'est agi, pour les trois salariés intéressés, d'éviter des procédures contentieuses relatives aux conséquences financières de la rupture du contrat de travail, les sommes versées constituaient bien, dans l'intention des parties, des éléments de salaire.

10. En statuant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser la nature des sommes litigieuses au regard de la règle d'assiette, la cour d'appel, à laquelle il appartenait d'apprécier la valeur des éléments de preuve produits par la société, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a validé le redressement du chef de la contribution patronale sur les options de souscription d'action et le redressement du chef des "licenciements transactions" concernant Mme M..., M. K... et Mme O..., l'arrêt rendu le 11 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne l'URSSAF de Picardie aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de Picardie et la condamne à payer à la société Chantelle la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;