Faits et procédure

2. Mme F... et quarante-neuf autres requérants, alléguant être enfants de mineurs licenciés pour faits de grève au cours des années 1948 et 1952, ont chacun adressé à l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (l'agence) une demande d'allocations en application de l'article 100 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

3. Cette agence a déclaré leur demande irrecevable au motif que celle-ci n'avait pas été précédée d'une demande de prestations de logement et de chauffage formée par le mineur ou son conjoint et instruite en application de l'article 107 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005.

4. Les requérants ont saisi la juridiction prud'homale, afin d'obtenir la condamnation de l'agence au paiement des allocations prévues audit article 100, et sollicité, par mémoire distinct et motivé, la transmission à la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité.

5. Le ministère public a été avisé le 12 avril 2019.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

6. Par jugements du 26 février 2020, le conseil de prud'hommes a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :
« L'article 100 de la loi n° 2014-1654, du 29 décembre 2014, porte-t-il atteinte au principe d'égalité devant la loi, consacré par l'article 1er de la Constitution et par les articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

7. Aux termes de l'article 100 de la loi de finances de 2015, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016, « La République française reconnaît le caractère discriminatoire et abusif du licenciement pour faits de grève des mineurs grévistes en 1948 et 1952, amnistiés en application de la loi n° 81-736 du 4 août 1981 portant amnistie, les atteintes ainsi portées à leurs droits fondamentaux et les préjudices qui leur furent ainsi causés. Elle ouvre aux mineurs dont les dossiers ont été instruits par l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, en application de l'article 107 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005, le bénéfice des mesures suivantes :
1° Une allocation forfaitaire de 30 000 €.
En cas de décès de l'intéressé, l'allocation forfaitaire est versée au conjoint survivant. Lorsque l'intéressé a contracté plusieurs mariages, l'allocation est répartie entre le conjoint survivant et le ou les précédents conjoints.
Si l'un des conjoints ou ex-conjoints est décédé, l'allocation à laquelle il aurait pu prétendre est répartie en parts égales entre les enfants nés de son union avec l'intéressé.
Une allocation spécifique de 5 000 € est par ailleurs versée aux enfants de ces mineurs. »

8. La disposition contestée est applicable aux litiges qui concernent des demandes de condamnation de l'agence au paiement de diverses allocations que cette disposition prévoit.

9. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

10. La question posée présente un caractère sérieux dans la mesure où les différences entre les enfants des mineurs licenciés décédés, instaurées par l'article 100 de la loi de finances pour 2015 pour le versement des allocations, selon :

- le dépôt et l'instruction préalables, en application de l'article 107 de la loi de finances pour 2005, de demandes de prestations logement ou de chauffage par le mineur licencié ou son conjoint survivant, les enfants dont les parents, en raison de la date de leur décès ou de tout autre cause, n'ont pas procédé à une telle démarche étant privés de toute allocation, alors que les enfants dont les parents y ont procédé sont éligibles aux allocations,

- la naissance de ces enfants, aucune règle de représentation n'étant prévue pour les enfants nés hors mariage ou issus d'un mariage unique de ces mineurs et de leur conjoint décédés, alors que les enfants nés d'un des lits, dans le cas où le mineur licencié décédé a contracté plusieurs mariages, peuvent venir en représentation du conjoint ou d'un ex-conjoint défunt,

sont susceptibles de ne pas être justifiées dans la mesure où ces différences de traitement, faute de participer de la reconnaissance du caractère discriminatoire et abusif des licenciements prononcés à l'encontre des mineurs pour faits de grève en 1948 et 1952, pourraient ne pas être en rapport direct avec l'objet de la disposition contestée.

11. En conséquence, il y a lieu de renvoyer la question posée au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille vingt. 

 

 

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Paris , du 26 février 2020