Sur le premier moyen :

Vu les articles 2044 et 2052 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, 2048 et 2049 du même code ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme I... a été engagée à compter du 3 novembre 1975 par la société La Romainville en qualité d'opératrice spécialisée en pâtisserie ; qu'à la suite d'un différend portant sur la dénonciation par l'employeur d'une prime de production instaurée le 12 février 1992, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de cette prime pour la période du 24 janvier 2002 au 22 novembre 2010 ; que, par un arrêt du 8 février 2011, une cour d'appel a fait droit à la demande ; que, le 3 mai 2011, les parties ont conclu une transaction ; que, le 11 janvier 2013, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail, puis a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail ;

Attendu que pour écarter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée attachée à la transaction et condamner l'employeur au paiement d'une somme au titre de ladite prime pour la période du 14 décembre 2010 au 11 janvier 2013, l'arrêt retient que s'il a été convenu entre les parties à l'article 3 que la salariée « déclare expressément pour elle-même et ses ayants droit, renoncer à toute prétention, réclamation, action ou instance de quelque nature que ce soit à l'encontre de la société ou de toute entité apparentée à la société pouvant avoir pour cause le paiement de cette prime de production » et qu'au vu des dispositions de l'article 4, elle « s'engage à n'intenter aucune instance ou action d'aucune nature que ce soit et renonce irrévocablement à toute réclamation au titre de la prime dite de production », ces deux articles doivent s'analyser dans le contexte plus général de la transaction, que dans les dispositions de rappel préalable de la convention, il est clairement indiqué que l'accord trouve son origine dans la volonté des parties d'éviter un pourvoi en cassation de l'arrêt du 8 février 2011, que l'article 6 de la convention qui prévoit que les dispositions interviennent pour solder l'ensemble des relations existantes ou ayant existé entre les parties en ce qui concerne la prime de production n'envisage pas de renonciation pour l'avenir de la salariée à l'application de cette prime, qu'ainsi, la combinaison de ces dispositions permet de considérer qu'afin d'échapper aux aléas judiciaires attachés à un éventuel pourvoi en cassation de l'arrêt du 8 février 2011, les parties ont renoncé à engager une action, ont transigé sur l'indemnité à allouer en contrepartie à la salariée, que rien ne permet de considérer que postérieurement à la période indemnisée, il y a eu une renonciation globale de la salariée à l'octroi de cette prime, que la nature même de cette prime, dont le versement dépend notamment de la présence effective de la salariée et de la qualité de la réalisation de sa prestation de travail, ne permettait pas de déterminer pour le futur le préjudice et de l'indemniser ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'aux termes de la transaction, la salariée avait déclaré renoncer à toute prétention, réclamation, action ou instance de quelque nature que ce soit à l'encontre de l'employeur pouvant avoir pour cause le paiement de la prime de production, qu'elle s'engageait à n'intenter aucune instance ou action, d'aucune nature que ce soit, et renonçait irrévocablement à toute réclamation au titre de ladite prime, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société La Romainville à payer à Mme I... la somme de 6 420,60 euros au titre de la prime de production pour la période du 14 décembre 2010 au 11 janvier 2013 et celle de 642,06 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 22 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme I... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société La Romainville.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté l'exposante de sa demande tendant à déclarer irrecevable l'action de Madame I... , d'AVOIR dit que la prime de production s'analyse en un élément de la rémunération à caractère contractuel, et d'AVOIR condamné l'exposante à payer à Madame I... les sommes de 6.420 € à titre de rappel de prime de production sur la période du 14 décembre 2010 au 11 janvier 2013, et 642,06 € au titre des congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE « sur l'application de la transaction ; Il convient pour apprécier la position des premiers juges de rappeler le contexte dans lequel s'est opérée la saisine du conseil des prud'hommes ; Le 12 février 1992, la société LA ROMAINVILLE a institué, au profit des salariés totalisant plus d'un an d'ancienneté, une prime dite de production ; Une dénonciation de cette prime a eu lieu à effet au 1er janvier 2000, à l'initiative de l'employeur et une information individuelle a été portée à la connaissance de chaque salarié ; plusieurs salariés ont saisi en 2008, le conseil des prud'hommes pour dénoncer le défaut de paiement de cette prime ; S'agissant de Madame I... , par un arrêt en date du 8 février 2011, la Cour d'appel de Paris, infirmant la décision du conseil de prud'hommes de Bobigny du 4 mars 2008, a condamné la société au paiement de la somme de 23 625 euros à titre de rappel de prime sur la période du 24 janvier 2002 au 22 novembre 2010 et les congés payés afférents. Le 3 mai 2011, une transaction a été signée entre Madame I... et la société LA ROMAIN VILLE suite à cette décision. Par lettre recommandée du 2 mars 2011, la société a transmis une nouvelle dénonciation de la prime de production à effet à compter du 3 juin 2011. Madame I... n'aura plus de versement de la prime à compter de janvier 2011 et va saisir de nouveau le conseil des prud'hommes pour obtenir un rappel de prime impayé et pour voir statuer sur sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail. Eu égard à la transaction intervenue entre les parties, le conseil des prud'hommes a débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes. Il y a lieu de rappeler les dispositions des articles 2049 et 2048 du Code civil selon lesquelles : « Les transactions ne règlent que les différents qui s'y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé » « Les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tout 'droit, action et prétention s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu ; En l'espèce, s'il a été convenu entre les parties à l'article 3 que Madame I... « déclare expressément pour elle-même et ses ayants droits, renoncer à toute prétention, réclamation, action ou instance de quelque nature que ce soit à l'encontre de la société ou de toute entité apparentée à la société pouvant avoir pour cause le paiement de cette prime de production » et qu'au vu des dispositions de l'article 4, elle « s'engage à n'intenter aucune instance ou action d'aucune nature que ce soit et renonce irrévocablement à toute réclamation au titre de la prime dite de production », ces deux articles doivent s'analyser dans le contexte plus général de la transaction. Dans les dispositions de rappel préalable inscrite dans la convention, il est clairement indiqué que l'accord trouve son origine dans la volonté des parties d'éviter un pourvoi en cassation de l'arrêt du 8 février 2011. Ainsi, l'article 2 mentionne : « le présent accord a donc pour objet premier d'indemniser Madame I... de son préjudice moral attaché à l'éventualité d'une cassation que la société entrevoit comme fort certaine de l'arrêt du 8 février 2011 ». L'article 6 de la convention qui prévoit que les dispositions interviennent pour solder l'ensemble des relations existantes ou ayant existé entre les parties en ce qui concerne la prime de production n'envisage pas de renonciation pour l'avenir de la salariée à l'application de cette prime. Or dans sa décision du 8 février 2011, la Cour n'a statué que sur la demande relative à la prime de production sur la période du 24 janvier 2002 au 22 novembre 2010. Ainsi, la combinaison de ces dispositions permet de considérer qu'afin d'échapper aux aléas judiciaires attachés à un éventuel pourvoi en cassation de l'arrêt du 8 février 2011, les parties ont renoncé à engager une action, ont transigé sur l'indemnité à allouer en contrepartie à la salariée. Rien ne permet de considérer que postérieurement à la période indemnisée, il y a eu une renonciation globale de la salariée à l'octroi de cette prime. Par ailleurs, la nature même de cette prime, dont le versement dépend notamment de la présence effective de la salariée et de la qualité de la réalisation de sa prestation de travail, ne permettait pas de déterminer pour le futur le préjudice et de l'indemniser. En tout état de cause, cette transaction ne règle pas le problème de la rupture du contrat de travail par la prise d'acte de la salariée. Au vu de ces motifs, il y a lieu de réformer la décision des premiers juges et de déclarer la salariée recevable en ses demandes » ;

ALORS QUE le juge ne peut, sans méconnaître l'autorité de chose jugée attachée à la transaction, trancher le litige que celle-ci avait pour objet de clore ; qu'en l'espèce, pour dire recevable la demande de la salariée tendant au paiement de la prime de production pour la période du 14 décembre 2010 au 31 janvier 2013 et y faire droit, la cour d'appel a retenu que la transaction signée entre les parties le 3 mai 2011 avait pour but, ainsi que le mentionnait « le rappel préalable », d'éviter un pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt ayant statué le sort des primes de production relatives à la période du 24 janvier 2002 au 22 novembre 2010, que l'article 2 ajoutait qu'il s'agissait d'indemniser la salariée du préjudice moral attaché à l'éventualité d'une cassation, et que l'article 6 n'envisageait pas de renonciation pour l'avenir à l'application de cette prime ; qu'en statuant ainsi, quand, aux termes de la transaction, repris dans ses motifs, la salariée « déclar[ait] expressément, pour elle-même et ses ayants droits, renoncer à toute prétention, réclamation, action ou instance de quelque nature que ce soit à l'encontre de la société ou de toute entité apparentée à la société pouvant avoir pour cause le paiement de cette prime de production » (article 3), qu'elle « s'engag[eait] à n'intenter aucune instance ou action d'aucune nature que ce soit et renonç[ait] irrévocablement à toute réclamation au titre de la prime dite de production » (article 4) ; que l'article 7 stipulait encore que les parties « s'engag[eaient] à ne plus engager de poursuites l'une envers l'autre au titre de la prime de production », la cour d'appel a violé les articles 2044 et 2052 du code civil dans leur rédaction applicable en la cause, ainsi que les articles 2048 et 2049 du même code.

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la prime de production s'analyse en un élément de la rémunération à caractère contractuel, et d'AVOIR condamné l'exposante à payer à Madame I... les sommes de 6.420 € à titre de rappel de prime de production sur la période du 14 décembre 2010 au 11 janvier 2013, et 642,06 € au titre des congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE « sur la demande de rappel de prime ; la société LA ROMAINVILLE soulève, en premier lieu, l'autorité de la chose jugée concernant la nature de la prime de production. L'arrêt du 8 février 2011 analyse cette prime comme un engagement unilatéral de l'employeur susceptible, en conséquence, de r e n o n c i a t i o n . Il y a lieu de relever que par un arrêt en date du février 2012, la Cour de Cassation dans une instance concernant deux autres salariés de la même société a statué sur la nature de la prime et a considéré qu'elle constituait un élément de la rémunération à caractère contractuel. La société estime que cet arrêt dont se prévaut la salariée ne peut être créateur de droit à son égard dès lors qu'elle n'était pas partie à l'instance. Si en vertu de l'arrêt du 8 février 2011, l'autorité de la chose jugée peut être opposée à Madame I... , ce n'est que dans la limite du litige qu'il concerne et en l'occurrence, la demande de prime jusqu'au mois de novembre 2010. Il ressort des débats et éléments communiqués que par lettre du 12 et février 1992, l'employeur avait proposé à la salariée une nouvelle méthode de calcul des salaires entraînant la suppression des primes antérieures et l'instauration d'une prime de production et une gratification annuelle et lui avait demandé de la signer pour acceptation en précisant que l'absence de réponse valait acceptation, puis que par lettre du 8 décembre 1998, la salariée avait été informée de la suppression de la prime de production à compter du 1" janvier 2000. Dès lors, la prime de production doit s'analyser comme un avantage incorporé au contrat de travail. Madame I... a été embauchée avant 1992, a été destinataire des différents courriers précités et se trouve bien dans des circonstances identiques celles retenues par la Cour de Cassation pour qualifier la prime de production d'élément de rémunération à caractère contractuel. La suppression de cet élément supposait un accord de la salariée et il importe peu qu'il y ait eu dénonciation unilatérale par l'employeur. Cette analyse conforme à celle exprimée par la Cour de cassation dans un arrêt du 1er février 2012 impose le rejet du moyen tiré de l'autorité de la chose jugée concernant la nouvelle demande de prime formée par la salariée après novembre 2010. En conséquence de ces motifs, il convient de faire droit à la demande de Madame I... concernant les rappels de primes. Sur le calcul de la prime ; La société LA ROMAINVILLE conteste le montant sollicité dès lors qu'elle considère que la prime d'assiduité intervenue en juillet 2010 a remplacé et a le même objet que la prime de production et que les sommes perçues à ce titre doivent en conséquence, être déduites des sommes sollicitées outre les jours d'absences. Il ressort de l'accord de la NAO 2009 que la prime d'assiduité est une prime uniquement destinée à réguler l'absentéisme : elle prévoit le paiement au salarié présent d'une somme mensuelle de 80 euros, réduite à 40 euros s'il y a une absence et à 0 en cas de deux absences. Le courrier du 12 février 1992 détaille la nature et les modalités de calcul de la prime de production. Il fait état tout d'abord du fait que la prime de production et la gratification annuelle remplacent la prime d'ancienneté et la prime annuelle. Rien dans ce préalable ne permet d'y voir une référence à l'assiduité, Le système a pour objectif d'encourager les nouveaux venus qui ne bénéficiaient pas de la prime d'ancienneté. Le calcul du montant de la prime dc production est journalière, la prime de production ne bénéficie qu'aux salariés ayant un an d'ancienneté, évolue selon le niveau et l'échelon et le montant de la gratification annuelle, sur la base de 169 heures par mois pour 5 jours de travail par semaine et peut être majorée en cas de jours ou demie journées travaillées en plus. Elle peut être augmenté en même temps que l'augmentation générale des salaires et la valeur du salarié. L'employeur donne des exemples de critères d'appréciation de la valeur du salarié par le responsable d'exploitation. La présence du salarié figure parmi eux, tout comme son professionnalisme ou sa mobilité. Ainsi, l'employeur ne démontre pas que les primes aient le même objet et encore moins que la prime d'assiduité ait remplacé la prime de production. Rien ne justifie que les paiements au titre de la prime d'assiduité soient déduits de la demande formée pour la prime de production ; au vu des bulletins de salaire produits et des 35 jours d'absence justifiés par la salariée, il y a lieu de faire droit à l'intégralité de sa demande » ;

1. ALORS QUE lorsqu'un avantage est issu d'un usage ou d'un engagement unilatéral, la seule recherche de l'assentiment des salariés, lors de sa modification, n'a pas pour effet de le contractualiser ; qu'en l'espèce, par lettre du 12 février 1992, l'exposante avait informé les salariés de ce qu'elle instaurait un nouveau système de rémunération remplaçant la prime d'ancienneté et la prime annuelle par une prime de production et une gratification annuelle ; que, pour considérer que la prime de production avait une nature contractuelle, la cour d'appel s'est fondée sur la circonstance que le courrier du 12 février 1992 précité sollicitait une signature et précisait que l'absence de réponse valait acceptation ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1103, anciennement 1134, du code civil et L. 1221-1 du Code du travail ;

2. ET ALORS subsidiairement QUE les avantages ayant le même objet ou la même cause ne se cumulent pas ; que, pour considérer que la prime de production avait vocation à se cumuler avec la prime d'assiduité, la cour d'appel a retenu que si la seconde était uniquement fonction de la présence du salarié, la première dépendait non seulement de la présence du salarié, mais aussi de son professionnalisme ou de sa mobilité ; qu'elle a par ailleurs calculé le montant de la prime de production en tenant compte des jours d'absence de la salariée ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses constatations que les deux primes avaient un même objet, la cour d'appel a violé le principe susénoncé, ensemble les articles 1103, anciennement 1134, du code civil et L.1221-1 du Code du travail