"Si les procès-verbaux provisoires et définitifs visent l'arrêté du 4 août 2008 portant péril imminent, qui, contrairement à ce qui est indiqué, ne concerne pas l'immeuble en cause, à savoir le n° 5 de la rue de la Fourchette, cette erreur dans les visas est sans incidence dès lors que ces procès-verbaux visent également des rapports de constats et un arrêté du 24 avril 2015 portant péril imminent et concernant le n°5 de la rue de la Fourchette." 

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la délibération du conseil municipal de Fougères en date du 28 septembre 2017 déclarant en état d'abandon manifeste une parcelle située 5 rue de la Fourchette à Fougères et lui appartenant
Par un jugement no 1705363 du 6 juin 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 juillet 2019, 13 décembre et 17 décembre 2019, M. D... A..., représenté par le cabinet Gervaise Dubourg, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement no 1705363 du 6 juin 2019 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de Fougères en date du 28 septembre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Fougères la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- l'article L.2243-1, en vigueur avant le 9 août 2015, du code général des collectivités territoriales prévoit que la procédure de déclaration d'abandon manifeste est initiée par le conseil municipal qui autorise le maire à engager la procédure, ce qui n'a pas été fait en l'espèce ;
- un procès-verbal provisoire et un procès-verbal définitif, établis par la commune de Fougères, visent des éléments, sur lesquels se fonde la procédure, qui ne concernent pas son immeuble ;
- en établissant un procès-verbal définitif le 24 novembre 2016, la commune de Fougères ne lui a pas laissé le temps nécessaire pour faire procéder aux travaux qu'il souhaitait réaliser ;
- l'immeuble en cause n'est pas " manifestement plus entretenu " ;
- l'immeuble en cause ne se trouve pas " sans occupant à titre habituel ".
Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er octobre 2019 et 16 décembre 2019, la commune de Fougères, représentée par la SELARL cabinet Coudray, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

La clôture d'instruction est intervenue le 20 janvier 2020.

Un mémoire, enregistré le 12 mars 2020 et présenté pour M. A..., n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier. 
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la commune de Fougères.

Considérant ce qui suit :
1. Le 21 janvier 2006, M. A... est devenu propriétaire d'un immeuble au bâti très ancien, cadastré AT 168 et situé 5 rue de la Fourchette à Fougères, dans le centre historique de la ville, accolé aux remparts et à proximité du château. A la suite d'un rapport d'expert du 10 février 2014 constatant notamment une importante voie d'eau au rez-de-chaussée du bâtiment, le développement de champignons lignivores et la fissuration de la souche d'évacuation des cheminées, ainsi que la nécessité urgente d'engager un diagnostic complet de l'immeuble, la commune de Fougères a, par courrier du 10 mars 2014, mis en demeure M. A... d'intervenir. Le 5 mars 2015, après avoir sollicité une nouvelle expertise, la commune de Fougères a réitéré auprès de M. A... la nécessité de remédier aux désordres constatés. Un rapport d'expert rédigé le 21 mars 2015 a confirmé les premiers constats et a estimé le péril de l'immeuble avéré et imminent. En conséquence, par arrêté portant péril imminent du 24 avril 2015, le maire de la commune de Fougères a mis en demeure M. A... de procéder, dans un délai de quatre semaines, à l'abattage de la souche d'évacuation des fumées et à un diagnostic complet de l'immeuble au regard de la présence avérée d'un champignon lignivore, après mise à nu des maçonneries. M. A... n'ayant pas entrepris ces mesures conservatoires, la commune les a entreprises d'office avant de faire constater l'état du bâtiment, affecté de divers désordres, et l'ampleur des dégradations, par un rapport d'expert en date du 25 mars 2016. Par un procès-verbal provisoire en date du 7 juillet 2016, le maire de la commune de Fougères a constaté l'état d'abandon manifeste du bien situé 5 rue de la Fourchette et a demandé à son propriétaire de réaliser, dans un délai de trois mois, les travaux indispensables permettant de mettre fin à cet état et notamment de rétablir la ventilation interne du bâtiment, d'éradiquer le champignon lignivore par traitement des sols, murs, maçonneries et bois après dépose des revêtements, dépose et brûlage des bois infectés, et de conforter et remettre en état le mur porteur dégradé. Le 24 novembre 2016, après avoir constaté que les travaux prescrits par le procès-verbal du 7 juillet 2016 n'avaient pas été réalisés dans le délai imparti et que le propriétaire ne s'était pas engagé à mettre fin à l'état d'abandon manifeste de l'immeuble, le maire de la commune de Fougères a dressé un procès-verbal définitif constatant que l'immeuble situé 5 rue de la Fourchette était en état d'abandon manifeste. Par délibération du 28 septembre 2017, le conseil municipal de Fougères a déclaré cet immeuble en état d'abandon manifeste et décidé d'en poursuivre l'expropriation au profit de la commune, afin de continuer sur cet immeuble l'opération de restauration engagée sur les bâtiments attenants et en vue de la création de logements en étage et de cellules commerciales en rez-de-chaussée. M. A... a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de cette délibération du conseil municipal. Par un jugement du 6 juin 2019, le tribunal a rejeté sa demande. M. A... fait appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 2243-1 du code général des collectivités territoriales : " Lorsque, dans une commune, des immeubles, parties d'immeubles, voies privées assorties d'une servitude de passage public, installations et terrains sans occupant à titre habituel ne sont manifestement plus entretenus, le maire engage la procédure de déclaration de la parcelle concernée en état d'abandon manifeste. / La procédure de déclaration en état d'abandon manifeste ne peut être mise en oeuvre qu'à l'intérieur du périmètre d'agglomération de la commune ". L'article L. 2243-2 du même code dispose que : " Le maire constate, par procès-verbal provisoire, l'abandon manifeste d'une parcelle, après qu'il a été procédé à la détermination de celle-ci ainsi qu'à la recherche dans le fichier immobilier ou au livre foncier des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres intéressés. Ce procès-verbal indique la nature des désordres affectant le bien auxquels il convient de remédier pour faire cesser l'état d'abandon manifeste. / Le procès-verbal provisoire d'abandon manifeste est affiché pendant trois mois à la mairie et sur les lieux concernés ; il fait l'objet d'une insertion dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département. En outre, le procès-verbal provisoire d'abandon manifeste est notifié aux propriétaires, aux titulaires de droits réels et aux autres intéressés ; à peine de nullité, cette notification reproduit intégralement les termes des articles L. 2243-1 à L. 2243-4. Si l'un des propriétaires, titulaires de droits réels ou autres intéressés n'a pu être identifié ou si son domicile n'est pas connu, la notification le concernant est valablement faite à la mairie. ". Aux termes de l'article L. 2243-3 du même code : " A l'issue d'un délai de trois mois à compter de l'exécution des mesures de publicité et des notifications prévues à l'article L. 2243-2, le maire constate par un procès-verbal définitif l'état d'abandon manifeste de la parcelle ; ce procès-verbal est tenu à la disposition du public. Le maire saisit le conseil municipal qui décide s'il y a lieu de déclarer la parcelle en état d'abandon manifeste et d'en poursuivre l'expropriation au profit de la commune, d'un organisme y ayant vocation ou d'un concessionnaire d'une opération d'aménagement visé à l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme, en vue soit de la construction ou de la réhabilitation aux fins d'habitat, soit de tout objet d'intérêt collectif relevant d'une opération de restauration, de rénovation ou d'aménagement. / La procédure tendant à la déclaration d'état d'abandon manifeste ne peut être poursuivie si, pendant le délai mentionné à l'alinéa précédent, les propriétaires ont mis fin à l'état d'abandon ou se sont engagés à effectuer les travaux propres à y mettre fin définis par convention avec le maire, dans un délai fixé par cette dernière. / La procédure tendant à la déclaration d'état d'abandon manifeste peut être reprise si les travaux n'ont pas été réalisés dans le délai prévu. Dans ce cas, le procès-verbal définitif d'abandon manifeste intervient soit à l'expiration du délai mentionné au premier alinéa, soit, à l'expiration du délai fixé par la convention mentionnée au deuxième alinéa. Le propriétaire de la parcelle visée par la procédure tendant à la déclaration d'état d'abandon manifeste ne peut arguer du fait que les constructions ou installations implantées sur sa parcelle auraient été édifiées sans droit ni titre par un tiers pour être libéré de l'obligation de mettre fin à l'état d'abandon de son bien. ".

3. En premier lieu, si les procès-verbaux provisoires et définitifs visent l'arrêté du 4 août 2008 portant péril imminent, qui, contrairement à ce qui est indiqué, ne concerne pas l'immeuble en cause, à savoir le n° 5 de la rue de la Fourchette, cette erreur dans les visas est sans incidence dès lors que ces procès-verbaux visent également des rapports de constats et un arrêté du 24 avril 2015 portant péril imminent et concernant le n°5 de la rue de la Fourchette. De plus, il n'est pas établi que le rapport d'expertise d'octobre 2015 serait devenu obsolète à la date des procès-verbaux et en outre, ces derniers se fondent également sur des photographies prises le 14 mars 2016 et un rapport de constat du 25 mars 2016. Dès lors, les moyens tirés des vices de forme ne peuvent qu'être écartés.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la commune de Fougères a interrogé le service de la publicité foncière le 12 mai 2016 pour connaître les titulaires de droits réels sur l'immeuble en cause. Les textes en vigueur n'exigeaient plus que le maire soit autorisé par le conseil municipal à engager la procédure. Par une ordonnance du 5 mars 2015, le juge judiciaire a prononcé la résiliation du bail à effet rétroactif s'agissant de l'immeuble en cause. En outre, il est constant qu'à la date du procès-verbal provisoire, le local en cause était vide, le locataire, qui aurait pu être regardé comme une personne " intéressée " au sens des dispositions citées au point 2, ayant quitté les lieux. Dès lors, aucun des procès-verbaux des 7 juillet 2016 et 24 novembre 2016 n'avait à être notifié à l'ancien locataire. En outre, au vu de l'arrêté de péril imminent du 24 avril 2015 lui prescrivant d'effectuer des travaux, des opérations d'expertise réalisées dans l'immeuble en octobre 2015 puis mars 2016, et de la circonstance que la commune a effectué des travaux d'office à la suite de l'arrêté de péril imminent du 24 avril 2015, il revenait à M. A..., qui a attendu le 1er septembre 2016 pour s'adresser à la commune, d'accomplir les diligences nécessaires pour récupérer ses clés, déposées à la mairie par son ancien locataire, en temps utile.

5. En troisième et dernier lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier que l'immeuble en cause était très dégradé depuis plusieurs années, en raison notamment du développement d'un champignon type " mérule ", de la présence de moisissures, d'humidité et d'infiltrations d'eau. M. A..., dans ses courriers adressés à la commune de Fougères le 1er septembre et le 25 octobre 2016, se borne à indiquer qu'il a sollicité des artisans afin d'établir des devis, ces derniers ayant finalement été réalisés entre fin octobre et mi-novembre 2016. Il est constant qu'il n'a pas effectué les travaux prescrits dans le procès-verbal provisoire de constat et ne s'est pas davantage engagé à réaliser ces travaux par voie de convention avec le maire. En outre, la seule circonstance que le mur pignon partiellement effondré, dont le renforcement est indispensable à la poursuite des autres travaux, jouxte l'immeuble démoli par la commune ne suffit pas à établir que cette dégradation aurait été causée par la commune. D'ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait demandé à la commune de prendre en charge les travaux portant sur le mur pignon, avant de pouvoir entamer les autres travaux. Dès lors, et alors même que le président du tribunal de grande instance de Rennes a indiqué, le 5 mars 2015, tout en relevant d'importants désordres, que l'impossibilité totale d'utiliser les locaux loués, conformément à leur destination contractuelle avant la résiliation du bail, n'était pas démontrée, c'est à bon droit que la commune de Fougères a regardé l'immeuble litigieux comme n'étant manifestement plus entretenu.

6. D'autre part, la circonstance que la recherche des désordres soit intervenue avant 2016, la commune se prévalant de rapports de constat effectués le 10 février 2014 ou encore le 4 novembre 2014, est sans influence sur la légalité de la procédure, dès lors qu'à la date à laquelle la commune a interrogé le service de la publicité foncière le 12 mai 2016, et aux dates d'établissement des procès-verbaux, puis à la date de l'adoption de la délibération attaquée, l'immeuble en cause n'était plus occupé, le locataire ayant quitté les lieux plus d'un an avant, en mars 2015. En outre, comme il a été dit précédemment, il revenait à M. A..., qui a attendu le 1er septembre 2016, d'accomplir les diligences nécessaires pour récupérer ses clés, déposées à la mairie par son ancien locataire, en temps utile. Dès lors, c'est à bon droit que la commune de Fougères a regardé l'immeuble litigieux comme étant sans occupant à titre habituel.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Fougères, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre de ces dispositions. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 500 euros au bénéfice de la commune de Fougères au titre des dispositions précitées.

DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera à la commune de Fougères la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et à la commune de Fougères.
Copie sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.