Conseil d'État N° 416413   4ème - 1ère chambres réunies 29 mai 2020 Société MITTELBERG / Conseil national de l'ordre des vétérinaires.

Au visa de l'article 31-1 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 et des articles L. 241-17 et R. 241-105 du code rural et de la pêche maritime (CRPM)  les sociétés de participations financières de profession libérale de vétérinaires peuvent être constituées entre des personnes exerçant la profession de vétérinaire et détenant la majorité du capital et des droits de vote et que ces personnes peuvent être tant des personnes physiques que des personnes morales.

"Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 décembre 2017 et 5 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... et la société Mittelberg demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision des 27 et 28 septembre 2017 par laquelle le Conseil national de l'ordre des vétérinaires a rejeté leur recours contre la décision du 7 juillet 2017 du conseil régional Grand Est de l'ordre des vétérinaires refusant l'inscription de la société de participations financières de profession libérale de vétérinaires par actions simplifiées du Mittelberg sur la liste spéciale tenue par l'ordre des vétérinaires mentionnée à l'article R. 241-106 du code rural et de la pêche maritime ;

2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des vétérinaires la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 modifiée ; 
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 mai 2020, présentée par le Conseil national de l'ordre des vétérinaires ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Yaël Treille, auditeur,  

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de M. A... et de la société du Mittelberg et à la SCP Rousseau, Tapie, avocat du Conseil national de l'ordre des vétérinaires.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 7 juillet 2017, le conseil régional Grand Est de l'ordre des vétérinaires a refusé l'inscription de la société de participations financières de profession libérale de vétérinaires du Mittelberg sur la liste spéciale tenue par l'ordre des vétérinaires mentionnée à l'article R. 241-106 du code rural et de la pêche maritime. Par une décision des 27 et 28 septembre 2017, le Conseil national de l'ordre des vétérinaires a rejeté le recours contre cette décision formé par la société par actions simplifiée du Mittelberg, actionnaire majoritaire de cette société et M. A..., docteur vétérinaire, actionnaire de cette société de participations financières et président de la société par actions simplifiée du Mittelberg. Le Conseil national de l'ordre des vétérinaires a confirmé le refus d'inscription opposé par le conseil régional Grand Est au motif que les dispositions du II de l'article 31-1 de la loi du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ne permettraient qu'à des personnes physiques exerçant la profession de vétérinaire de détenir la majorité du capital et des droits de vote d'une société de participations financières de profession libérale de vétérinaires et qu'au cas d'espèce, la majorité du capital social de la société de participations financières de profession libérale de vétérinaires du Mittelberg est détenue, non par une personne physique, mais par la société par actions simplifiée du Mittelberg. La société par actions simplifiée du Mittelberg et M. A... demandent au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision. 

 
2. D'une part, aux termes de l'article 31-1 de la loi du 31 décembre 1990 précitée : " I. - Il peut être constitué entre personnes physiques ou morales exerçant une ou plusieurs professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ou des personnes mentionnées au 6° du B du I de l'article 5 des sociétés de participations financières ayant pour objet la détention des parts ou d'actions de sociétés mentionnées au premier alinéa de l'article 1er ayant pour objet l'exercice de cette même profession ainsi que la participation à tout groupement de droit étranger ayant pour objet l'exercice de la même profession. Ces sociétés peuvent exercer toute autre activité sous réserve d'être destinée exclusivement aux sociétés ou aux groupements dont elles détiennent des participations. / Ces sociétés peuvent être constituées sous la forme de sociétés à responsabilité limitée, de sociétés anonymes, de sociétés par actions simplifiées ou de sociétés en commandite par actions régies par le livre II du code de commerce, sous réserve des dispositions contraires du présent article. / II. - Plus de la moitié du capital et des droits de vote doit être détenue par des personnes exerçant la même profession que celle exercée par les sociétés faisant l'objet de la détention des parts ou actions. / Le complément peut être détenu par les personnes mentionnées aux 2°, 3° et 5° du B du I de l'article 5. Toutefois, des décrets en Conseil d'Etat, propres à chaque profession, pourront interdire la détention, directe ou indirecte, de parts ou d'actions représentant tout ou partie du capital social non détenu par des personnes visées à l'alinéa précédent, à des catégories de personnes physiques ou morales déterminées, lorsqu'il apparaîtrait que cette détention serait de nature à mettre en péril l'exercice de la ou des professions concernées dans le respect de l'indépendance de ses membres et de leurs règles déontologiques propres. / Les gérants, le président, les dirigeants, le président du conseil d'administration, les membres du directoire, le président du conseil de surveillance et les directeurs généraux, ainsi que les deux tiers au moins des membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance de la société par actions simplifiée, doivent être choisis parmi les personnes mentionnées au premier alinéa du II (...) ". Aux termes de l'article R. 241-105 du code rural et de la pêche maritime : " Les personnes physiques ou morales exerçant la profession de vétérinaire peuvent constituer, dans les conditions prévues à l'article 31-1 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, une ou plusieurs sociétés de participations financières de profession libérale de vétérinaires. / Le complément du capital et des droits de vote peut également être détenu : / 1° Pendant une durée de dix ans à compter de leur cessation d'activité professionnelle, par des personnes physiques qui ont exercé la profession de vétérinaire au sein de la ou des sociétés d'exercice libéral faisant l'objet de la détention de parts ou d'actions ; / 2° Par les ayants droit des personnes physiques mentionnées au présent article, pendant une durée de cinq ans suivant le décès de celles-ci. "

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 241-17 du code rural et de la pêche maritime : " Les personnes exerçant légalement la profession de vétérinaire peuvent exercer en commun la médecine et la chirurgie des animaux dans le cadre : / 1° De sociétés civiles professionnelles régies par la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles ; / 2° De sociétés d'exercice libéral ; / 3° De toutes formes de sociétés de droit national ou de sociétés constituées en conformité avec la législation d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen et y ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement, dès lors qu'elles satisfont aux conditions prévues au II du présent article et qu'elles ne confèrent pas à leurs associés la qualité de commerçant. / Cet exercice en commun ne peut être entrepris qu'après inscription de la société au tableau de l'ordre mentionné à l'article L. 242-4, dans les conditions prévues par ce dernier (...) ". 

4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les sociétés de participations financières de profession libérale de vétérinaires peuvent être constituées entre des personnes exerçant la profession de vétérinaire et détenant la majorité du capital et des droits de vote et que ces personnes peuvent être tant des personnes physiques que des personnes morales. Par suite, en se fondant, pour rejeter le recours dont il était saisi, sur ce que les dispositions du II de l'article 31-1 de la loi du 31 décembre 1990 réserveraient aux personnes physiques exerçant la profession de vétérinaire la détention de la majorité du capital social des sociétés de participations financières de profession libérale de vétérinaires, le Conseil national, à qui il incombe par ailleurs de vérifier le respect de l'ensemble des conditions auxquelles est soumise l'inscription d'une telle société sur la liste spéciale prévue à l'article R. 241-106 du code rural et de la pêche maritime, a entaché sa décision d'erreur de droit. M. A... et la société par actions simplifiée du Mittelberg sont donc fondés à demander l'annulation de la décision du 27 septembre 2017 du Conseil national de l'ordre des vétérinaires.

 
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des vétérinaires le versement à M. A... et à la société par actions simplifiée Mittelberg d'une somme de 1 500 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. A... et de la société par actions simplifiée du Mittelberg qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. 

D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 27 septembre 2017 du Conseil national de l'ordre des vétérinaires est annulée.
Article 2 : Le Conseil national de l'ordre des vétérinaires versera une somme de 1 500 euros, d'une part, à M. A..., d'autre part, à la société du Mittelberg, au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Article 3: Les conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des vétérinaires au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., à la société par actions simplifiée du Mittelberg et au Conseil national de l'ordre des vétérinaires. 
Copie pour information sera adressée au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et au ministre de l'économie et des finances.