La reprise du personnel de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité ne comporte aucune disposition permettant à l'entreprise entrante de soumettre la reprise du salarié de la société sortante à son acceptation d'une clause de mobilité ne figurant pas dans son contrat de travail

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Nancy, 13 décembre 2017), MM. A... et X..., salariés de la société Triomphe Sécurité à laquelle était applicable la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, occupaient en dernier lieu les fonctions d'agent de surveillance au centre commercial Saint-Sébastien à Nancy dont le marché a été perdu au profit de la société Fiducial Private Security à effet au 1er juillet 2015.

3. Par lettre du 23 juin 2015, la société Fiducial Private Security a proposé aux salariés le transfert de leur contrat de travail et leur a soumis un avenant contenant une clause de mobilité sur plusieurs départements.

4. Considérant cette clause abusive, MM. A... et X... ont demandé, par lettres du 29 juin 2015, une modification de l'avenant pour se voir affecter sur la seule région Lorraine et en priorité sur le site Saint-Sébastien à Nancy et ont indiqué qu'à cette condition, ils pourraient accepter la reprise de leur contrat de travail par la société.

5. Les salariés ont saisi la juridiction prud'homale aux fins notamment de voir dire que la société Fiducial Private Security est leur employeur depuis le 1er juillet 2015, d'ordonner la poursuite du contrat de travail dans les mêmes conditions à compter de cette date, d'ordonner la reprise du versement du salaire et de condamner cette société à leur verser des dommages-intérêts pour inexécution du contrat de travail.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Les salariés font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes, alors « que les articles 3.1.1 et 3.1.2 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité ne comportent aucune disposition permettant à l'entreprise entrante de soumettre la reprise du salarié de la société sortante à son acceptation d'une clause de mobilité ne figurant pas dans son contrat de travail ; qu'en considérant que la société Fiducial private security était en droit de proposer l'introduction d'une clause de mobilité dans le contrat de travail pour en déduire que le transfert du contrat de travail ne s'était pas opéré du fait du refus du salarié d'accepter une telle clause, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 3.1.1 et 3.1.2 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 :

7. Selon le premier de ces textes, concomitamment à l'envoi à l'entreprise sortante de la liste des salariés repris, l'entreprise entrante notifiera à chacun d'eux, par un courrier recommandé avec avis de réception ou remis en main propre contre décharge, son transfert en son sein. Elle établira un avenant au contrat de travail dans lequel elle mentionnera le changement d'employeur et reprendra l'ensemble des clauses contractuelles qui lui seront applicables sous réserve du respect des dispositions de l'article 3.1.2.

8. Selon le second de ces textes, dans l'avenant au contrat de travail prévu à l'article 3.1.1, l'entreprise entrante doit obligatoirement mentionner la reprise des éléments suivants :
– l'ancienneté acquise avec le rappel de la date d'ancienneté contractuelle;

– les niveau, échelon, coefficient et emploi constituant la classification ;

– le salaire de base et des primes constantes soumises à cotisation, payées chaque mois et figurant sur les 9 derniers bulletins de paie ainsi que les éventuels éléments bruts de rémunération contractuels à l'exclusion de ceux ayant le même objet déjà pris en charge sous une autre forme par l'entreprise entrante ;

– le salarié transféré aura droit à un congé sans solde équivalant aux droits acquis à la date du transfert et pris conformément aux dispositions légales régissant les conditions de départ en congé payé.

9. Pour débouter les salariés de leurs demandes, les arrêts retiennent d'abord qu'il ressort des dispositions de l'article 3.1.1 de l'avenant du 28 janvier 2011 que l'entreprise entrante, lorsqu'elle propose au salarié la reprise du contrat conclu avec l'entreprise évincée, peut proposer d'autres conditions contractuelles que celles figurant dans le contrat liant le salarié à cette entreprise, à l'exception des clauses visées à l'article 3.1.2. Les arrêts relèvent ensuite que la société Fiducial Private Security a proposé aux salariés, dans le cadre de la reprise de leur contrat de travail, un avenant contenant les clauses de l'article 3.1.2 et une clause intitulée ''lieu de travail'' prévoyant qu'ils pouvaient être affectés ''dans l'un des sites quelconques des clients de l'entreprise situés...dans les départements 67, 68, 54, 57, 88, 90, 25'' et qu'ils ont subordonné leur accord à cet avenant à une négociation sur le contenu de la clause de mobilité. Les arrêts en déduisent que les salariés n'ayant pas donné leur accord exprès à l'avenant, le changement d'employeur n'a pu s'opérer.

10. En statuant ainsi, alors que les articles 3.1.1 et 3.1.2 de l'avenant du 28 janvier 2011 ne comportent aucune disposition permettant à l'entreprise entrante de soumettre la reprise des salariés de la société sortante à leur acceptation d'une clause de mobilité ne figurant pas dans leur contrat de travail et qui n'est pas prévue par la convention collective applicable, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 13 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne la société Fiducial Private Security aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Fiducial Private Security et la condamne à payer à MM. A... et X... la somme de 1500 euros chacun ;