Décision n° 20-D-09 du 16 juillet 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des achats et ventes des pièces de porc et de produits de charcuteriehttps://www.autoritedelaconcurrence.fr/fr/decision/relative-des-pratiques-mises-en-oeuvre-dans-le-secteur-des-achats-et-ventes-des-pieces-de

c) Le groupe Cooperl Arc Atlantique

Organisation et activités

  1. La société Cooperl Arc Atlantique (RCS n° 383 986 874) est une coopérative agricole à la Elle détient 100 % du capital social de la société Brocéliande - ALH (RCS n° 412 082 224) 83.

  2. Depuis 2009, Brocéliande - ALH a conforté sa place d’acteur important de la charcuterie, principalement sur les produits cuits et plus marginalement sur le saucisson : « Premieracteur de la filière porcine française, Cooperl Arc Atlantique est également présent dans le secteur via sa filiale Brocéliande-ALH. Cette dernière commercialise 80 000 tonnes de charcuteries par an, pour le compte de sa marque propre, Brocéliande, mais aussi pour des MDD» .

  3. Dans le cadre du démantèlement du groupe Financière Turenne Lafayette (voir paragraphe 117), l’Autorité a autorisé le 20 octobre 2017 l’acquisition par Cooperl Arc Atlantique : (i) d’un ensemble d’actifs et des stocks propriété des sociétés Paul Prédault, La Lampaulaise dispose de quatorze sites industriels, dont six interviennent dans la fabrication de charcuterie. tête du groupe agroalimentaire éponyme Elle est détenue par 2700 éleveurs-adhérents et depuis octobre 2009 des Salaisons, Madrange et Montagne Noire, (ii) de la totalité des marques et autres droits de propriété intellectuelle liés à l’exploitation des activités de charcuterie salaison et (iii) de certains actifs immobiliers se rattachant à l’activité charcuterie salaison.

Personnes physiques en lien avec les pratiques

  1. M. AT était, sur la période 2010-2012, employé de Cooperl Arc Atlantique en qualité de directeur commercial de l’industrie de la salaison de Cooperl Arc Atlantique et Brocéliande

  2. M. GC était, de janvier 2011 à avril 2013, employé de Cooperl Arc Atlantique en qualité de responsable des ventes GMS. Dans le cadre de son contrat de travail, il intervenait dans la vente de charcuterie MDD et 1er prix pour le compte de Cooperl Arc Atlantique et Brocéliande - ALH.

  3. M. JLS était, sur la période 2010-avril 2012, salarié de Brocéliande - ALH et intervenait pour le compte de celle-ci en qualité de responsable commercial. Il avait comme périmètre d’activités, notamment, les clients GMS. M. GC a pris la suite de

    M. JLS lors du départ en retraite de ce dernier. Leurs fonctions et périmètres d’intervention étaient identiques

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  1. Brocéliande - AHL (Cooperl Arc Atlantique)

  2. Le groupe Cooperl Arc Atlantique a échangé à 42 reprises par téléphone avec la société Jean Caby, comme cela ressort des paragraphes 267 à 269 ci-dessus.

  3. Parmi ces 42 échanges, 30 sont corroborés par les relevés téléphoniques de M. JLG (Campofrio) et/ou par des documents internes et des correspondances du groupe Cooperl ArcAtlantique avec différents distributeurs (voir tableau n° 4.3 en Annexe n° 4).

  4. Le groupe CooperlArcAtlantique conteste l’existence de chacun de séchanges qui lui sont opposés et soutient qu’il n’a pas dévoilé à ses concurrents le comportement qu’il envisageait de tenir sur le marché. Il relève, notamment, qu’il n’existe aucune écoute ni enregistrement des conversations entre M. JLG (Campofrio) et ses concurrents permettant de prouver que les échanges reportés dans le Carnet ont effectivement eu lieu. Il conteste également le caractère anticoncurrentiel de certains des échanges reportés dans le Carnet, en indiquant que les informations qui y sont consignées sont non-stratégiques et connues de tous sur le marché.

  5. Toutefois, comme indiqué ci-avant, la valeur probante du Carnet, qui forme un document unique et indivisible, ne saurait être remise en cause, compte tenu des nombreux éléments externes le corroborant (voir paragraphes 380 à 382 et 550 à 557 ci-avant). L’Autorité relève au demeurant, s’agissant de Brocéliande, que la grande majorité de ses échanges avec Jean Caby sont corroborés par des éléments extérieurs au Carnet, dont des relevés téléphoniques mais également des notes manuscrites, des courriels et des télécopies saisies chez Cooperl Arc Atlantique qui sont de nature à confirmer les informations consignées dans le Carnet. La matérialité des 42 échanges bilatéraux impliquant le groupe Cooperl Arc Atlantique est donc établie.

  6. L’Autorité considère par ailleurs que les explications apportées par le groupe Cooperl Arc Atlantique sur le caractère non-stratégique des échanges consignés dans le Carnet doivent être écartées, à l’exception de celles concernant l’échange du 1er juillet 2010, trop imprécis, de fait, pour être qualifié d’anticoncurrentiel.

  7. En revanche, les autres échanges, qui se rapportent à la stratégie commerciale et la politique tarifaire de Cooperl Arc Atlantique ou de Jean Caby, sont suffisamment explicites pour conclure à leur caractère anticoncurrentiel.

  8. À titre d’exemple, l’échange du 7 juillet 2010 révèle directement la stratégie commerciale future de Cooperl Arc Atlantique et d’Aoste pour répondre à un appel d’offres d’Aldi sur le

    Tel est également le cas d’un échange du 9 mai 2011 qui comporte des indications sur la politique de prix futur de Cooperl Arc Atlantique pour répondre à un appel d’offres de Carrefour : « Tel AT/ JLS/ GC 09/05 [AT / JLS / GC Cooperl Arc Atlantique] AO Jbs cuit CRF LS => ne répondent pas sur UE [viande origine Union européenne] sauf sur le BIO. Vont demander hausse entre 0,10 et 0,15€/kg. Veulent garder leur volume sans + »403marché des lardons : « Tel AT le 07/07 [Cooperl] va coter sur marché lardons. JLG annonce 402 prix actuel 0,68 demande hausse 0,695~ »

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  1. Les dates de la première et de la dernière participation de Cooperl Arc Atlantique à un échange anticoncurrentiel doivent être respectivement fixées au 7 juillet 2010 et au 6 juin 2012.

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  1. Griefs n° 2 et 3

  2. Tant l’entente visée par le grief n° 2 que celle visée par le grief n° 3 rassemblent des fabricants importants, comme, notamment, Aoste et Jean Caby (groupe Campofrio), Madrange, Montagne Noire, Établissements Germanaud et Cie et Paul Prédault (groupe FTL), Salaisons Celtiques et S.C.O. (groupe Les Mousquetaires), Aubret (groupe d’Aucy), Cooperl Arc Atlantique et Brocéliande - ALH (groupe Cooperl Arc Atlantique). Pour les produits cuits vendus sous MDD, la décision n° 11-DCC-104 relative à la prise de contrôle exclusif de la société FIMA par la Société Financière de Turenne Lafayette indiquait ainsi qu’à l’époque de cette opération, les trois leaders du secteur, tous impliqués dans la pratique visée par le grief n° 3, représentaient entre 60 et 90 % du marché479. Une estimation des parts de marché réalisée par Aoste pour l’année 2011 indique également que la pratique visée par le grief n° 2 a rassemblé les opérateurs les plus importants480.

  3. inataires

DÉCISION

Article 1er Il est établi que les sociétés Aoste SNC (RCS n° 388 818 726), Campofrio Food Group Holding S.L.U. (Espagne, B84658202), Charcuteries Cuisinées du Plélan (RCS n° 444 525 240), Financière Turenne Lafayette SAS (RCS n° 765 500 608), Fleury Michon LS (RCS n° 340 545 441), Géo (RCS n° 334 281 938), Établissements Germanaud et Cie (RCS n° 596120204), Jean Caby (RCS n° 440372043), Madrange (RCS n°772500161), Montagne Noire (pour le compte de Maison du Jambon) (RCS n° 491 476404), Paul Prédault (RCS n° 319754743), Salaisons Celtiques (RCS n° 862 500 279) et Société d'Innovation Culinaire (RCS n° 489 625 111) ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1 du TFUE, en s’accordant et se concertant, au travers d’échanges bilatéraux, pour défendre une position commune sur les variations de prix d’achat hebdomadaire du jambon sans mouille dans leurs négociations avec les abatteurs (grief n° 1).

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Article 5 : Il est établi que les sociétés Aoste SNC (RCS n° 388 818 726), Aubret (RCS n°788182954), Brocéliande-ALH (RCS n° 412082224), Charcuteries Gourmandes (RCS n° 318771177), Cooperl Arc Atlantique (RCS n° 383986874), Financière Turenne Lafayette SAS (RCS n° 765 500 608), Géo (RCS n° 334 281 938), Établissements Germanaud et Cie (RCS n° 596 120 204), Herta (RCS n° 311 043 194), Jean Caby (RCS n°440372043), Lampaulaise de Salaisons (RCS n° 338547482), Madrange (RCS n° 772 500 161), Paul Prédault (RCS n° 319 754 743), Salaisons Celtiques (RCS n° 862 500 279), Salaisons du Guéméné (RCS n° 388 199 143) et S.C.O. (RCS n° 342 048 055) ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1 du TFUE, en s’accordant et se concertant pour la commercialisation de produits de charcuterie cuits sous marques de distributeurs ou 1er prix pour organiser leurs réponses, notamment en prix, aux appels d’offres des enseignes de la grande distribution (grief n° 3).

Article 6 : Sont infligées, au titre des pratiques visées à l’article 5, les sanctions pécuniaires suivantes :

  • -  à la société Aubret (RCS n° 788 182 954) une sanction de 750 000 euros ;

  • -  à la société Brocéliande - ALH (RCS n° 412 082 224), solidairement avec la société Cooperl Arc Atlantique (RCS n° 383 986 874), une sanction de 25 763 000 euros ;

  • -  à la société Cooperl Arc Atlantique (RCS n° 383 986 874) une sanction de 9 767 000 euros ;

  • -  à la société Herta (RCS n° 311 043 194), solidairement avec les sociétés Nestlé SA (Suisse, CHE – 105 909 036) et Nestlé Entreprises (RCS n° 345 019 863), une sanction de 96 000 euros ;

  • -  à la société Salaisons Celtiques (RCS n° 862 500 279), solidairement avec la Société Civile des Mousquetaires (RCS n° 344092093) et Les Mousquetaires (RCS n° 789 169 323), une sanction de 7 338 000 euros ;

  • -  à la société Salaisons du Guéméné, solidairement avec la Société Civile des Mousquetaires (RCS n° 344 092 093) et Les Mousquetaires (RCS n° 789 169 323), une sanction de 2 320 000 euros ;

  • -  à la société S.C.O., solidairement avec la Société Civile des Mousquetaires (RCS n° 344 092 093) et Les Mousquetaires (RCS n° 789 169 323), une sanction de 15 425 000 euros.

    Article 7 : Il est enjoint aux entreprises sanctionnées visées aux articles 2, 4 et 6 d’insérer, à frais partagés et au prorata de leurs sanctions pécuniaires, le texte figurant au paragraphe 1015 de la présente décision, en respectant la mise en forme, dans l’édition papier et sur le site Internet des journaux Le MondeLes Échos et de la revue Porc Mag. Cette publication interviendra dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à trois millimètres sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : « Décision de l’Autorité de la concurrence n° 20-D-09 du 16 juillet 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des achats et ventes des pièces de porc et de produits de charcuterie ». Elle pourra être suivie de la mention selon laquelle la décision a fait l’objet d’un recours devant la cour d’appel de Paris si un tel recours est exercé. Elles adresseront, sous pli recommandé, au service de la procédure, copie de cette publication, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision.

Article 8 : En vertu des dispositions de l’article L. 463-8, troisième alinéa, du code de commerce, les frais de l’expertise décidée par le rapporteur général par décision du 5 novembre 2018, complétée par un avenant en date du 13 mai 2019, sont mis solidairement, et au prorata des sanctions infligées, à la charge des entreprises sanctionnées visées aux articles 2, 4 et 6.

Délibéré sur le rapport oral de Mme Laure Gauthier et M. Philippe Couton, rapporteurs, et l’intervention de M. Joël Tozzi, rapporteur général adjoint, par Mme Fabienne Siredey-Garnier, vice-présidente, présidente de séance, Mme Irène Luc, vice-présidente et M. Yves Mano, membre.

Les secrétaires de séance,

Armelle Hillion Caroline Orsel

 Autorité de la concurrence

La présidente de séance,

Fabienne Siredey-Garnier

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