Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 6 septembre 2018), Mme V... a été engagée par M. R... le 2 juillet 2012 par contrat de professionnalisation en qualité d'assistante dentaire. Elle a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement le 7 octobre 2013, et licenciée pour faute grave le 25 octobre 2013.

2. Soutenant avoir été victime de harcèlement sexuel, la salariée a saisi la juridiction prud'homale le 12 octobre 2015 en contestant son licenciement.

3. Par jugement définitif du 28 juillet 2016, le tribunal correctionnel d'Angers a relaxé l'employeur des fins de la poursuite pour harcèlement sexuel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la salariée avait été victime de harcèlement sexuel, que son licenciement était nul, et de le condamner à des dommages-intérêts alors :

« 1°/ que le juge civil ne peut méconnaître ce qui a été jugé certainement et nécessairement par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action publique et de l'action civile ; qu'en l'espèce, le juge répressif a, par jugement du 28 juillet 2016, devenu irrévocable, relaxé M. R... des fins de poursuites de harcèlement sexuel au préjudice de Mme V... ; que dès lors, la cour d'appel ne pouvait au contraire retenir de tels faits à son égard ; 

qu'en conséquence, la cour d'appel a violé le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur l'action portée devant la juridiction civile et les articles 1355 du code civil et 4 du code de procédure pénale ;

2°/ qu' il résulte des motifs du jugement correctionnel du 28 juillet 2016 que la matérialité des faits de harcèlement sexuel et la culpabilité de celui auquel ils étaient imputés ne sont pas établies, à défaut pour l'enquête d'avoir révélé des « faits précis dont les autres assistantes dentaires auraient pu être témoins et concernant Mme V... », notant en outre que « Mme V... n'a jamais déposé plainte pour harcèlement sexuel, démontrant ainsi qu'elle ne se sentait pas victime de comportements déplacés de son employeur à son égard ou ne lui imputait pas d'avoir cherché ses faveurs sexuelles » ; que ces faits, nécessaires à la décision pénale, desquels il résulte que l'élément matériel n'est pas établi, s'imposent au juge civil ; qu'en décidant néanmoins que le harcèlement moral était caractérisé au motif erroné que le tribunal correctionnel ne serait entré en voie de relaxe qu'en raison du défaut d'élément intentionnel, la cour d'appel a violé les articles 1355 du code civil et 4 du code de procédure pénale et les principes susvisés. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte des articles 1351 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 480 du code de procédure civile, que les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé.

6. La cour d'appel a relevé qu'en l'espèce, le jugement de relaxe du tribunal correctionnel était fondé sur le seul défaut d'élément intentionnel.

7. La caractérisation de faits de harcèlement sexuel en droit du travail, tels que définis à l'article L. 1153-1, 1°, du code du travail, ne suppose pas l'existence d'un élément intentionnel.

8. Par conséquent, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que la décision du juge pénal, qui s'est borné à constater l'absence d'élément intentionnel, ne privait pas le juge civil de la possibilité de caractériser des faits de harcèlement sexuel de la part de l'employeur.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement nul alors « qu'un licenciement ne peut être annulé que si le motif du licenciement est prohibé par les dispositions légales ou s'il y a eu violation d'une liberté fondamentale ; qu'ainsi, un salarié victime de harcèlement sexuel ne peut invoquer la nullité de son licenciement pour ce motif que si celui-ci est en lien avec ce harcèlement sexuel ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que la salariée n'a porté plainte pour harcèlement qu'après la mise en oeuvre de la procédure de licenciement motivée par ses fautes professionnelles, lesquelles avaient déjà donné lieu à un avertissement et que la salariée, qui souhaitait valider sa formation, n'avait pas fait savoir à l'employeur ce qu'elle lui reprochait ; qu'à défaut de constater que le licenciement de Mme V... aurait un quelconque lien avec les prétendus faits de harcèlement sexuel qu'elle aurait subis, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision de l'annuler au regard des articles L. 1153-2 et suivants et L. 1235-3-1 du code du travail qu'elle a violés. »

Réponse de la Cour

11. Ayant constaté que les liens de subordination et a fortiori de tutorat inhérents à la formation que la salariée suivait, en contrat de professionnalisation, l'empêchant de quitter le cabinet sous peine de perdre également la possibilité d'obtenir son diplôme, l'avaient logiquement et naturellement retenue dans l'expression de ses plaintes jusqu'à la mise à pied conservatoire et qu'au demeurant, elle avait déclaré à l'officier de police lors de la plainte que lorsqu'elle avait voulu parler à l'employeur de ses propos, il lui avait répondu qu'elle devait « se décoincer », la cour d'appel a fait ressortir le lien entre les faits de harcèlement sexuel qu'elle constatait et le licenciement, justifiant ainsi légalement sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. R... aux dépens ;