Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 et 13 août 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : 



1°) d'ordonner la suspension de l'exécution du décret modifié n° 2020-860 du 10 juillet 2020 en tant que son article 11 fait obligation aux personnes souhaitant se déplacer par transport public aérien à destination du territoire métropolitain depuis un pays étranger mentionné sur la liste figurant en annexe 2 bis, à tout le moins les Etats-Unis, de présenter à l'embarquement le résultat d'un examen biologique de dépistage virologique réalisé moins de soixante-douze heures avant le vol ne concluant pas à une contamination par le covid-19 ; 



2°) d'enjoindre à l'administration de prendre, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la présente ordonnance, toute autre mesure lui permettant de sauvegarder l'exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte ;



3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.







Il soutient que : 

- la condition de l'urgence est remplie eu égard à l'impossibilité dans laquelle il se trouve de réaliser un test au covid-19 au moins soixante-douze heures avant d'embarquer qui l'expose au risque de ne pas pouvoir embarquer le 17 août 2020 et, par suite, de se retrouver en situation irrégulière et sans logement sur le territoire américain dans la mesure où son visa arrive à expiration le 31 août prochain ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir et, en particulier, à son corollaire que constitue la liberté de circuler sur le territoire français, d'en sortir et d'y revenir ;

- en imposant une obligation de présenter un test au covid-19 négatif réalisé moins de soixante-douze heures avant l'embarquement, les dispositions de l'article 11 du décret modifié n° 2020-860 du 10 juillet 2020 portent une atteinte grave aux libertés précitées dès lors qu'il ne sera pas en mesure de revenir sur le territoire français en l'absence de présentation d'un tel résultat ; 

- cette obligation n'est ni adaptée, ni nécessaire, ni proportionnée dès lors, en premier lieu, que ces dispositions ajoutent une condition nouvelle à la loi dans la mesure où le législateur n'avait pas prévu de délai déterminé pour la réalisation du test, en deuxième lieu, que la mise en oeuvre d'un délai de soixante-douze heures n'est pas proportionnée à l'objectif sanitaire poursuivi et, en dernier lieu, que la possibilité pour le personnel d'embarquement du transport aérien de s'opposer à l'embarquement d'un voyageur ne présentant pas le résultat négatif d'un test covid-19 effectué moins de soixante-douze heures avant le vol, dans le but de limiter la propagation de l'épidémie, caractérise une délégation à des personnes privées de compétences de police administrative générale qui méconnait notamment l'article 12 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Par un mémoire en défense et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 11, 13, 14 août 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucune atteinte grave et manifestement illégale n'est portée aux libertés fondamentales.  



La requête a été communiquée au Premier ministre qui n'a pas produit d'observations.





Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. B... et, d'autre part, le Premier ministre et le ministre des solidarités et de la santé ;



Ont été entendus lors de l'audience publique du 13 août 2020, à 11 heures : 



- Me Poupot, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. B... ;



- les représentants du ministre des solidarités et de la santé ;



à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au 14 août 2020 à 14 heures, puis au 17 août 2020 à 14 heures, puis à 18 heures.

Vu le mémoire enregistré le 17 août 2020 présenté par M. B... ;



Vu le mémoire enregistré le 17 août 2020 présenté par le ministre des solidarités et de la santé ;



Vu les autres pièces des dossiers ;



Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment son protocole n° 4 ;

- le règlement UE 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016

- la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 ;

- le décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 modifié ;

- le code de justice administrative ;







Considérant ce qui suit :



1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". 



2. Le droit d'entrer sur le territoire français constitue, pour un ressortissant français, une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.



3. Le 4° du I de l'article 1er de la loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire qui avait été déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 autorise le Premier ministre, à compter du 11 juillet 2020 et jusqu'au 30 octobre 2020 inclus, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, à " Imposer aux personnes souhaitant se déplacer par transport public aérien à destination ou en provenance du territoire métropolitain ou de l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution de présenter le résultat d'un examen biologique de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par le covid-19 ". 



4. Sur le fondement de ces dispositions, l'article 11 du décret du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans les territoires sortis de l'état d'urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé, modifié par le décret du 27 juillet 2020, dispose ainsi que : " Les personnes de onze ans ou plus souhaitant se déplacer par transport public aérien à destination du territoire métropolitain depuis un pays étranger mentionné sur la liste figurant en annexe 2 bis présentent à l'embarquement le résultat d'un examen biologique de dépistage virologique réalisé moins de 72 heures avant le vol ne concluant pas à une contamination par le covid-19. Les personnes de onze ans ou plus arrivant sur le territoire métropolitain par transport public aérien depuis un pays étranger mentionné sur la liste figurant en annexe 2 ter qui ne peuvent présenter le résultat d'un examen biologique de dépistage virologique réalisé moins de 72 heures avant le vol ne concluant pas à une contamination par le covid-19 sont dirigées à leur arrivée à l'aéroport vers un poste de contrôle sanitaire permettant la réalisation d'un tel examen. Le présent alinéa est applicable à compter du 1er août 2020 ". 



5. En vertu de ces dispositions et de l'annexe 2 bis du décret du 10 juillet 2020, que les personnes de onze ans et plus souhaitant embarquer dans un vol au départ des Etats-Unis et à destination du territoire métropolitain de la France se voient refuser l'embarquement si elles ne peuvent produire le résultat d'un examen biologique de dépistage virologique réalisé moins de soixante-douze heures avant et ne concluant pas à une contamination par le covid-19. Il résulte toutefois de l'instruction que les Français qui établissent devoir rentrer en métropole de manière urgente et n'avoir pu, malgré leurs efforts, présenter le résultat d'un examen biologique réalisé dans le délai de soixante-douze heures exigé, se voient délivrer par le consul de France compétent, s'ils en font la demande, un " laissez-passer sanitaire " leur permettant d'embarquer dans un vol à destination de la métropole où ils devront réaliser un examen biologique à leur arrivée. Ce dispositif, qui a été notifié aux compagnies aériennes, initialement prévu pour être transitoire, a été maintenu au-delà de la date butoir du 17 août initialement prévue afin de tenir compte des difficultés pratiques pouvant être rencontré dans la réalisation d'un examen biologique et l'obtention de son résultat dans le délai de soixante-douze heures fixé par le décret.



6. M. A... B... est un ressortissant français résidant aux Etats-Unis, où il a effectué plusieurs années d'études, qui souhaite retourner en France à l'issue de son cycle universitaire. Il soutient qu'il en est empêché par l'effet des dispositions du décret du 10 juillet 2020, rappelées plus haut, dans la mesure où elles subordonnent l'embarquement depuis les Etats-Unis sur un vol à destination de la métropole à la production du résultat d'un examen biologique de dépistage virologique réalisé moins de soixante-douze heures avant alors qu'un tel examen serait en pratique très difficile voire impossible à obtenir actuellement dans le délai de soixante-douze heures exigé par le décret. Il demande en conséquence au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution du dispositif issu du décret du 10 juillet 2020, afin de permettre que l'examen biologique puisse être réalisé à l'arrivée en France, ainsi que cela est possible pour les personnes en provenance des pays figurant sur la liste de l'annexe 2 ter. Il soutient que, en l'état, les dispositions en cause, en le privant de la possibilité de regagner rapidement la France ainsi qu'il en a l'intention, ont pour effet de porter une atteinte grave et manifestement illégal au droit dont dispose tout citoyen français d'entrer sur le territoire français.



7. Il résulte de l'instruction que, M. B..., muni d'un " laissez-passer sanitaire " délivré par le consul de France compétent, conformément aux indications données par l'administration lors de l'audience publique, a quitté les Etats-Unis le 17 août 2020 par un vol à destination du territoire métropolitain. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de sa requête, y compris, dans les circonstances de l'espèce, sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 









O R D O N N E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête présentée par M. B....

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B... et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée au Premier ministre.