« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale FRIGIDAIRE – Usage sérieux – Article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑583/19,

Electrolux Home Products, Inc., établie à Charlotte, Caroline du Nord (États-Unis), représentée par M. P. Brownlow, solicitor,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. V. Ruzek, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

D. Consult, établie à Wattignies (France),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 17 juin 2019 (affaire R 166/2018-5), relative à une procédure de déchéance entre D. Consult et Electrolux Home Products,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de M. D. Spielmann (rapporteur), président, Mme O. Spineanu‑Matei et M. R. Mastroianni, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 23 août 2019,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 16 décembre 2019,

vu la demande de fixation d’une audience de plaidoiries présentée par la requérante,

vu la mesure d’organisation de la procédure du 28 avril 2020 et la réponse de l’EUIPO déposée au greffe du Tribunal le 12 mai 2020,

vu les lettres, adressées en réponse à la question du Tribunal relative à la tenue des audiences de plaidoiries dans le contexte de la crise sanitaire liée à la COVID-19, par lesquelles les parties principales ont indiqué qu’elles ne souhaitaient pas être entendues lors d’une audience de plaidoiries et, s’estimant par ailleurs suffisamment éclairé par les pièces du dossier, ayant décidé de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 13 décembre 1999, la requérante, Electrolux Home Products, Inc., a obtenu, auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)], l’enregistrement sous le numéro 000071241 de la marque de l’Union européenne verbale FRIGIDAIRE.

2        Les produits pour lesquels la marque de l’Union européenne verbale FRIGIDAIRE a été enregistrée relevaient des classes 7 et 11 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 7 : « Machines à laver à usage domestique et commercial, lave-vaisselle ; broyeurs d’ordures ménagères et compacteurs de déchets ménagers ; compresseurs réfrigérants ; ouvre-boîtes électriques, batteurs, mixeurs, robots de cuisine, moulins à café, hache-viande, couteaux électriques, affûteurs électriques, coupe-viande, broyeurs de glace, centrifugeuses, machines pour la fabrication des pâtes compris dans la classe 7 » ;

–        classe 11 : « Réfrigérateurs, congélateurs et appareils à usage domestique ou commercial pour faire de la glace ; appareils de cuisson électriques et au gaz à usage domestique, à savoir fourneaux, fours, cuisinières et hottes ; fours à micro-ondes, hottes pour fourneaux, climatiseurs, humidificateurs et déshumidificateurs, chauffe-eau, refroidisseurs d’eau, petits appareils électriques, y compris cafetières, machines à expresso, distributeurs d’eau chaude instantanée, grille-pain, fours à grille-pain, poêles à frire, purificateurs d’air, surgélateurs pour crème glacée, sèche-cheveux, machines à sécher le linge compris dans la classe 11 ».

3        Le 13 octobre 2015, D. Consult a présenté une demande en déchéance de la marque de l’Union européenne verbale FRIGIDAIRE, sur le fondement de l’article 51, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 207/2009, pour l’ensemble des produits visés au point 2 ci-dessus, aux motifs, d’une part, de l’absence d’usage sérieux de ladite marque et, d’autre part, du fait que cette marque était devenue la désignation usuelle dans le commerce de produits pour lesquels celle-ci avait été enregistrée.

4        Le 23 novembre 2017, la division d’annulation a partiellement fait droit à la demande en déchéance, au motif que la marque contestée n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux au cours de la période s’étendant du 13 octobre 2010 au 12 octobre 2015 pour les produits suivants :

–        classe 7 : « Machines à laver à usage domestique et commercial, lave-vaisselle ; broyeurs d’ordures ménagères et compacteurs de déchets ménagers ; compresseurs réfrigérants ; ouvre-boîtes électriques, moulins à café, hache-viande, couteaux électriques, affûteurs électriques, coupe-viande, broyeurs de glace, centrifugeuses, machines pour la fabrication des pâtes compris dans la classe 7 » ;

–        classe 11 : « Réfrigérateurs, congélateurs et appareils à usage commercial pour faire de la glace ; appareils de cuisson électriques et au gaz à usage domestique, à savoir fourneaux, fours, cuisinières et hottes ; hottes pour fourneaux, climatiseurs, humidificateurs et déshumidificateurs, chauffe-eau, refroidisseurs d’eau, petits appareils électriques à l’exception des grille-pain, bouilloires, fers à repasser ».

5        Par ailleurs, la division d’annulation a rejeté la demande en déchéance et, partant, maintenu la validité de l’enregistrement de la marque contestée, pour les produits suivants :

–        classe 7 : « Batteurs, mixeurs, robots de cuisine compris dans la classe 7 » ;

–        classe 11 : « Réfrigérateurs et congélateurs à usage domestique ; appareils de cuisson électriques et au gaz à usage domestique, à savoir fours ; fours à micro-ondes ; petits appareils électriques, à savoir grille-pain, bouilloires, fers à repasser compris dans la classe 11 ».

6        Le 23 janvier 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’annulation, dans la mesure où elle avait été déchue de ses droits sur la marque contestée pour les produits visés au point 4 ci-dessus. Dans ses observations en réponse du 24 mai 2018, D. Consult a demandé l’annulation de ladite décision, en ce que cette dernière portait rejet de la demande en déchéance pour les produits visés au point 5 ci-dessus.

7        Par décision du 17 juin 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a partiellement fait droit au recours de la requérante. Elle a annulé la décision de la division d’annulation dans la mesure où celle-ci avait déclaré la requérante déchue de ses droits sur la marque contestée pour les « moulins à café, hache-viande, couteaux électriques, coupe-viande, broyeurs de glace, centrifugeuses, machines pour la fabrication des pâtes », relevant de la classe 7, au motif que l’usage sérieux de cette marque avait été établi en ce qui concerne lesdits produits. En conséquence, elle a rejeté la demande en déchéance de ladite marque pour autant que cette dernière visait ces produits, a rejeté le recours de la requérante pour le surplus ainsi que la demande en annulation présentée par D. Consult.

 Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler la décision de la division d’annulation du 23 novembre 2017 ;

–        maintenir l’enregistrement de la marque contestée pour tous les produits pour lesquels elle est enregistrée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

9        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

10      À l’appui du recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 58, paragraphe 1, du règlement 2017/1001. Par ce moyen, elle conteste la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la marque contestée n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux pour certains des produits pour lesquels cette dernière avait été enregistrée. 

11      À titre liminaire, il convient de relever que la requérante et l’EUIPO se réfèrent, dans leurs écritures, aux dispositions du règlement 2017/1001. Toutefois, compte tenu de la date d’introduction de la demande de déchéance en cause, en l’occurrence le 13 octobre 2015, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, le présent litige est régi par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 6 juin 2019, Deichmann/EUIPO, C-223/18 P, non publié, EU:C:2019:471, point 2 et du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C-668/17 P, EU:C:2019:557, point 3). Dans la mesure où les articles 18 et 58 du règlement 2017/1001 correspondent aux articles 15 et 51 du règlement no 207/2009, il y a lieu d’entendre les références faites par les parties aux premiers articles comme visant ces derniers articles (arrêt du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, point 25).

12      Aux termes de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 (devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001), le titulaire de la marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque de l’Union européenne n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et s’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage.

13      Selon l’article 51, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 58, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), si la cause de déchéance n’existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, le titulaire n’est déclaré déchu de ses droits que pour les produits ou les services concernés.

14      Selon une jurisprudence constante, une marque fait l’objet d’un usage sérieux, au sens de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lorsqu’elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services, à l’exclusion d’usages à caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (arrêt du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, point 38, voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêt du 4 avril 2019, Hesse et Wedl & Hofmann/EUIPO (TESTA ROSSA), T‑910/16 et T‑911/16, EU:T:2019:221, point 29 et jurisprudence citée].

15      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque [arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43].

16      L’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [arrêts du 12 décembre 2002, Kabushiki Kaisha Fernandes/OHMI – Harrison (HIWATT), T‑39/01, EU:T:2002:316, point 47, et du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, EU:T:2004:292, point 28].

17      À cet égard, en vertu de la règle 22 du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1) [devenue article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué (UE) 2018/625, de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1)], applicable aux procédures de déchéance conformément à la règle 40, paragraphe 5, du règlement no 2868/95 (devenue article 19, paragraphe 1 du règlement délégué 2018/625), la preuve de l’usage d’une marque doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque et se limite, en principe, à la production de pièces justificatives, comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009.

18      En l’espèce, la chambre de recours a relevé que, la demande en déchéance ayant été déposée par D. Consult le 13 octobre 2015, la période de cinq années à prendre en considération, s’étendait du 13 octobre 2010 au 12 octobre 2015, ce que les parties ne contestent pas. 

19      En outre, il ressort d’une lecture combinée de la décision attaquée et de la décision de la division d’annulation, que la chambre de recours a considéré que la requérante avait établi l’usage sérieux de la marque contestée et, partant, maintenu la validité de l’enregistrement de ladite marque, pour les produits suivants :

–        classe 7 : « Batteurs, mixeurs, robots de cuisine ; moulins à café, hache-viande, couteaux électriques, coupe-viande, broyeurs de glace, centrifugeuses, machines pour la fabrication des pâtes compris dans la classe 7 » ;

–        classe 11 : « Réfrigérateurs et congélateurs à usage domestique ; appareils de cuisson électriques et au gaz à usage domestique, à savoir fours ; fours à micro-ondes ; petits appareils électriques, à savoir grille-pain, bouilloires, fers à repasser compris dans la classe 11 ».

20      En revanche, la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas établi l’usage sérieux de la marque contestée pour les autres produits pour lesquels ladite marque avait été enregistrée.

21      La requérante conteste les conclusions de la chambre de recours relatives à l’absence de preuve de l’usage sérieux de la marque contestée en ce qui concerne, d’une part, les « machines à laver à usage domestique et commercial » et les « lave-vaisselle », relevant de la classe 7 et, d’autre part, les « fourneaux » et les « machines à sécher le linge » relevant de la classe 11 (ci-après les « produits en cause »).

22      En ce qui concerne les produits en cause, la chambre de recours a relevé que, devant elle, la requérante s’était, notamment, appuyée sur les éléments de preuve suivants, tels que décrits dans la décision attaquée, pour établir l’usage sérieux de la marque contestée pour les « machines à laver à usage domestique et commercial, appareils de cuisson électriques et au gaz à usage domestique, à savoir fourneaux, cuisinières et hottes, hottes pour fourneaux et lave-vaisselle » :

–        une déclaration du directeur des opérations mondiales d’octroi de licences de la société Electrolux North America, Inc, à laquelle étaient annexés, notamment, les documents suivants :

–        des factures datées d’avril 2014 à juin 2015 attestant de ventes de produits portant la marque FRIGIDAIRE au ministère de la Défense des États-Unis, présentées comme preuve de l’usage de ces produits, à destination de la Belgique ;

–        des factures datées de janvier à octobre 2015 attestant de ventes de produits portant la marque FRIGIDAIRE au ministère de la Défense des États-Unis, à destination de la Belgique ;

–        une déclaration du directeur du développement des affaires internationales d’Electrolux North America et d’Electrolux Home Products, Inc, à laquelle étaient annexés, notamment, les documents suivants :

–        un accord de distribution non exclusive entre Electrolux et East West International/Export 220V, daté du 1er janvier 2014 et accordant à cette dernière société le droit de vendre les produits portant la marque FRIGIDAIRE en Europe, au Moyen-Orient, en Afrique et en Inde;

–        des factures datées de juin à décembre 2014 attestant des ventes de produits portant la marque FRIGIDAIRE par l’intermédiaire d’East West International/Export 220V, à la base militaire du ministère des Affaires étrangères des États-Unis à Anvers, (Belgique) ;

–        des factures datées de novembre 2011 à septembre 2015 attestant des ventes de produits portant la marque FRIGIDAIRE par l’intermédiaire du distributeur Export 220V, à la base militaire du ministère des Affaires étrangères des États-Unis à Neustadt (Allemagne) ;

–        des factures datées de septembre 2010 à juin 2014 attestant des ventes de produits portant la marque FRIGIDAIRE à Johann Fouquet GmbH à Neustadt (Allemagne) ;

–        des licences non exclusives de vente de produits portant la marque FRIGIDAIRE entre Electrolux Home Products France SAS et Darty et Fils SAS, datées des 20 février 2014 et 19 février 2015 ;

–        un contrat de fourniture entre, notamment, la requérante et la société Euronics, dans lequel la requérante s’engageait à fournir périodiquement à Euronics ses produits, pour la période s’étendant du 1er avril 2013 au 31 mars 2014 ;

–        un accord commercial conclu entre, notamment, la requérante et Euronics, pour la période s’étendant du 1er avril 2015 au 31 mars 2017.

 Sur l’absence de prise en considération d’éléments de preuve concernant des bases militaires américaines situées dans des États membres

23      La requérante fait valoir que, contrairement aux conclusions de la chambre de recours, les déclarations visées au point 22 ci-dessus ainsi que leurs annexes, suffisaient à établir l’usage de la marque contestée dans l’Union ainsi que son intention de créer un débouché commercial aux produits en cause dans l’Union. À cet égard, elle reproche à ladite chambre de n’avoir pas tenu compte de la jurisprudence résultant de trois décisions de justice nationales ainsi qu’une décision d’une chambre de recours de l’EUIPO.

24      Il convient de relever que, dans sa déclaration, le directeur des opérations mondiales d’octroi de licences de la société Electrolux North America décrit l’usage de la marque contestée au Royaume-Uni et en France ainsi que les autres ventes réalisées en Europe, l’usage de cette marque sur les réseaux sociaux et la politique d’usage de ladite marque. En particulier, il a mentionné que, au cours des années 2014 et 2015, la requérante avait vendu sous la marque en question des produits aux ministères de la Défense et des Affaires étrangères des États-Unis ainsi qu’à des ambassades de ce pays en Europe. Il renvoie à cet égard aux factures décrites au point 22 ci-dessus. 

25      Par ailleurs, dans sa déclaration, le directeur du développement des affaires internationales d’Electrolux North America et d’Electrolux Home Products, a décrit les modalités des ventes de produits de la requérante en Belgique et en Allemagne, expliquant l’existence d’un accord de distribution non exclusif avec East West International/Export 220V entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2015 et renvoyant audit accord et aux factures visés au point 22 ci-dessus.

26      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que la requérante avait produit des éléments démontrant la vente, par un distributeur non exclusif, de 1516 machines à laver, de 765 sèche-linge, de 216 lave-vaisselle, de 610 fourneaux ainsi que de réfrigérateurs et de congélateurs aux ministères de la Défense et des Affaires étrangères des États-Unis, à destination d’une base militaire située en Allemagne entre les mois de novembre 2011 et de septembre 2015 et d’une base militaire située en Belgique entre les mois de juin et de décembre 2014. La requérante ne conteste pas ces données. 

27      La chambre de recours a considéré que ces chiffres de ventes n’étaient pas négligeables, mais qu’ils étaient susceptibles de refléter les besoins des soldats vivant dans lesdites bases militaires, et non de caractériser l’intention de la requérante de créer un débouché commercial dans l’Union pour les produits en cause. 

28      En premier lieu, la requérante invoque un arrêt de la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery] du 18 mars 2002, dans lequel il aurait été jugé que les ventes d’aliments pour bébés à une base de l’armée de l’air des États-Unis au Royaume-Uni constituaient un usage sérieux de la marque en cause pour ces produits, en dépit d’une absence d’usage de cette marque en dehors de la base militaire en cause. Elle invoque également un arrêt du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) du 5 juin 1985 et un arrêt du Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets, Allemagne) du 1er octobre 1980 , dans lesquels il aurait été jugé que des ventes de produits dans des bases militaires, respectivement belges et américaines, ont perturbé la concurrence, en ce sens que les consommateurs des produits concernés auraient pu choisir d’acheter, en dehors des bases militaires, des produits semblables auprès d’autres distributeurs. De ce fait, les ventes réalisées dans les bases militaires auraient concurrencé les ventes qui auraient pu être réalisées localement, de sorte que les premières auraient caractérisé un usage des marques en cause sur le territoire sur lequel les bases militaires étaient implantées.

29      Force est de constater que ces décisions nationales ne sont pas de nature à mettre en cause la légalité des conclusions de la décision attaquée. En effet, il suffit de rappeler que le régime des marques de l’Union européenne est autonome et que la légalité des décisions des chambres de recours s’apprécie uniquement sur la base du règlement no 207/2009, de sorte que l’EUIPO ou, sur recours, le Tribunal, ne sont pas tenus de parvenir à des résultats identiques à ceux atteints par les administrations ou les juridictions nationales dans une situation similaire [voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2015, LTJ Diffusion/OHMI – Arthur et Aston (ARTHUR & ASTON), T‑83/14, EU:T:2015:974, point 37 et jurisprudence citée].

30      En second lieu, la requérante se prévaut de la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO, du 9 octobre 2013, dans l’affaire R 686/2013-2, dans laquelle la chambre de recours aurait considéré que, premièrement, les bases militaires américaines situées sur le territoire de l’Union faisaient partie du territoire de l’Union, deuxièmement, le fait que les consommateurs achetant des produits dans lesdites bases soient des citoyens américains ne serait pas pertinent, dès lors que la nationalité des consommateurs serait indifférente à la constatation de l’usage sérieux d’une marque et, troisièmement, le titulaire d’une marque devait démontrer qu’il avait pour objectif de créer ou de conserver des parts de marché à l’intérieur de l’Union pour les produits couverts par la marque en cause. Elle soutient que, dans cette affaire, le titulaire de la marque en cause n’avait pas démontré avoir poursuivi l’objectif précité et que, en l’espèce, elle a produit des preuves démontrant avoir poursuivi cet objectif. 

31      Or, il y a lieu de rappeler que l’EUIPO est appelé à décider en fonction des circonstances de chaque cas d’espèce et qu’il n’est pas lié par des décisions antérieures prises dans d’autres affaires. En effet, la légalité des décisions de la chambre de recours doit être appréciée uniquement sur le fondement du règlement no 207/2009 et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci. En outre, dans le cadre de son contrôle de légalité, le Tribunal n’est pas lié par la pratique décisionnelle de l’EUIPO (voir arrêt du 15 décembre 2015, ARTHUR & ASTON, T‑83/14, EU:T:2015:974, point 39 et jurisprudence citée).

32      Dès lors, les décisions nationales et la décision d’une chambre de recours de l’EUIPO invoquées par la requérante ne sont pas susceptibles de remettre en cause la légalité des appréciations de la chambre de recours. 

33      Au demeurant, il ressort des déclarations en cause, ainsi que des factures qui y sont annexées, que les produits commandés l’ont été par des ministères des États-Unis, que le distributeur auprès duquel les produits ont été commandés est établi aux États-Unis et que, à l’exception des produits visés dans une facture, expédiés depuis la Pologne, ces produits avaient été expédiés depuis le Mexique, les États-Unis ou la Turquie. 

34      Or, la notion d’usage sérieux dans l’Union impliquant l’utilisation de la marque dans l’Union, l’usage de cette marque dans des États tiers ne peut pas être pris en compte aux fins d’établir l’usage sérieux de ladite marque (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 38). 

35      En ce qui concerne la facture relative à des produits expédiés depuis la Pologne, la chambre de recours a relevé, sans que la requérante ne le conteste, que les produits visés dans ladite facture n’avaient que transité par cet État, de sorte que cette facture ne démontrait pas un acte d’usage de la marque contestée dans l’Union.

36      En outre, le directeur des opérations mondiales d’octroi de licences de la société Electrolux North America a affirmé que les produits mentionnés dans les factures annexées à sa déclaration avaient été spécialement modifiés en y adaptant des prises électriques européennes et en prévoyant des niveaux de tension et de fréquence adaptés pour une utilisation en Europe.

37      Dès lors, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré que les ventes des produits en cause aux ministères de la Défense et des Affaires étrangères des États-Unis à destination des bases militaires situées en Belgique et en Allemagne n’étaient pas susceptibles de caractériser l’intention de la requérante de créer un débouché commercial dans l’Union pour les produits en cause.

38      Partant, le grief de la requérante doit être écarté.

 Sur l’absence de prise en considération des ventes de produits à Johann Fouquet et des contrats conclus avec Darty et Fils et Euronics

39      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir méconnu la jurisprudence relative aux conditions d’étendue territoriale de l’usage d’une marque en n’ayant pas considéré que les ventes de produits à Johann Fouquet et les contrats conclus avec Darty et Fils et Euronics constituaient un usage d’intensité et d’étendue territoriale suffisantes pour démontrer l’usage sérieux de la marque contestée dans l’Union. 

40      Ainsi que le fait valoir la requérante à juste titre, il résulte de la jurisprudence d’une part, que, pour apprécier l’existence d’un usage sérieux dans l’Union, au sens de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, il convient de faire abstraction des frontières du territoire des États membres [voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 44, et du 30 janvier 2015, Now Wireless/OHMI – Starbucks (HK) (now), T‑278/13, non publié, EU:T:2015:57, point 46]. 

41      D’autre part, l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque dans l’Union reposant sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à démontrer que l’exploitation commerciale de cette marque permet de créer ou de conserver les parts de marché pour les produits ou les services pour lesquels elle a été enregistrée, il est impossible de déterminer a priori, de façon abstraite, quelle étendue territoriale devrait être retenue pour déterminer si l’usage de ladite marque a ou non un caractère sérieux. Une règle de minimis, qui ne permettrait pas au juge d’apprécier l’ensemble des circonstances du litige qui lui est soumis, ne peut donc être fixée (arrêt du 30 janvier 2015, now, T‑278/13, non publié, EU:T:2015:57, point 47 ; voir également, par analogie, arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 55).

42      En premier lieu, s’agissant des factures adressées à Johann Fouquet, visées au point 22 ci-dessus, la chambre de recours a relevé, sans que la requérante ne le conteste, que ces factures attestaient de la vente à cette société de 138 lave-linge et 42 sèche-linge et que ladite société était établie en Allemagne. Elle a considéré que le volume de ces ventes était plutôt faible et a relevé, sans que la requérante ne le conteste, qu’aucune autre preuve de ventes dans d’autres villes allemandes n’avait été fournie. Ayant ensuite rappelé que l’une des bases militaires à destination desquelles des produits avaient été vendus était également située en Allemagne, elle a estimé que l’usage de la marque contestée n’était pas suffisant, en termes d’étendue territoriale et d’intensité, pour considérer que la requérante avait maintenu ou créé des parts de marché au profit de ces produits. Elle a ajouté que, dès lors qu’aucune vente de produits portant ladite marque n’avait été démontrée en dehors de la base militaire américaine située à Anvers, ce que la requérante ne conteste pas, la même conclusion pouvait, à plus forte raison, être tirée en ce qui concerne le territoire de la Belgique.

43      Premièrement, il convient de constater que la requérante, d’une part, ne conteste pas les chiffres de ventes à Johann Fouquet constatés par la chambre de recours. Elle ne conteste pas davantage l’absence de preuve de ventes dans d’autres villes en Allemagne ni, s’agissant de la Belgique, en dehors de la base militaire américaine d’Anvers. D’autre part, elle ne fait valoir aucun élément visant à démontrer que les ventes à ladite société étaient suffisantes pour constituer un usage pouvant être qualifié de sérieux de la marque contestée dans l’Union en ce qui concerne les produits en cause. 

44      Deuxièmement, il ressort des points 110 et 111 de la décision attaquée que la chambre de recours a déduit de ses constatations factuelles relatives à l’absence de ventes des produits en cause, s’agissant de l’Allemagne, en dehors de la base américaine en cause et de la ville d’établissement de Johann Fouquet et, s’agissant de la Belgique, en dehors de la base américaine d’Anvers, que la requérante n’avait pas établi son intention de commercialiser les produits en cause dans l’Union, à l’inverse des « réfrigérateurs et congélateurs » relevant de la classe 11. 

45      Ainsi, la chambre de recours s’est fondée sur les constatations factuelles figurant au point 110 de la décision attaquée pour apprécier l’intention de la requérante de créer ou de conserver les parts de marché pour les produits en cause, au sens de la jurisprudence rappelée au point 14 ci-dessus. Il ne saurait être considéré que cette appréciation procède d’une intention, contrevenant à la jurisprudence rappelée au point 41 ci-dessus, de déterminer a priori, de façon abstraite, quelle étendue territoriale devait être retenue pour déterminer si l’usage de la marque contestée dans l’Union avait ou non un caractère sérieux, ou de fixer une règle de minimis à cette fin.

46      En second lieu, s’agissant des accords conclus avec Darty et Fils visés au point 22 ci-dessus, ceux-ci ne comportent aucune mention de la marque contestée. Par ailleurs, ainsi que le relève l’EUIPO à juste titre, les éléments de preuve de la commercialisation de produits portant ladite marque par ladite société, à savoir, en l’espèce, la déclaration du directeur des opérations mondiales d’octroi de licences de la société Electrolux North America ainsi que des captures d’écran du site Internet de Darty et Fils, ne concernent que des réfrigérateurs et des congélateurs, et non les produits en cause.

47      S’agissant des contrats conclus avec Euronics, seul le contrat relatif à la période du 1er avril 2015 au 31 mars 2017 comporte une mention de la marque contestée. En outre, ainsi que le relève l’EUIPO à juste titre, les éléments de preuve de la commercialisation par ladite société de produits portant ladite marque, à savoir la déclaration du directeur des opérations mondiales d’octroi de licences de la société Electrolux North America ainsi que des captures d’écran du site Internet d’Euronics, ne concernent que des réfrigérateurs et des congélateurs, et non les produits en cause.

48      Partant, les contrats et accords visés au point 22 ci-dessus étaient dénués de pertinence aux fins d’établir l’usage sérieux de la marque contestée dans l’Union à l’égard des produits en cause. 

49      Dès lors, le grief de la requérante doit être écarté.

 Sur l’absence de prise en considération de l’usage sur les réseaux sociaux de la marque contestée

50      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir commis une erreur de droit en n’ayant pas pris en considération les preuves de l’usage de la marque contestée sur les réseaux sociaux, conjointement avec les autres éléments établissant, selon elle, l’usage sérieux de ladite marque dans l’Union, à savoir ceux visés au point 22 ci-dessus. 

51      La chambre de recours a relevé que la visibilité de la marque contestée sur certains réseaux sociaux n’établissait pas l’usage sérieux de cette marque dans l’Union. En particulier, elle a constaté qu’il n’existait aucune preuve objective que les pages de la requérante sur ces réseaux sociaux concernant les produits en cause avaient été visitées par un public résidant sur le territoire de l’Union. Elle a relevé, au contraire, que, d’après les impressions des pages de la requérante sur un réseau social, lesdites pages semblaient s’adresser au public des États-Unis, étant donné que le numéro de téléphone mentionné commençait par l’indicatif international de ce pays.

52      Force est de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours a tenu compte des preuves de l’usage de la marque contestée sur les réseaux sociaux fournis par celle-ci pour apprécier le caractère sérieux de cet usage dans l’Union. 

53      Au demeurant, la requérante n’avance aucun argument pour contester le bien-fondé des constatations de la chambre de recours à cet égard, de sorte que le grief doit être écarté. 

54      Il résulte de ce qui précède que la requérante n’a établi aucune erreur d’appréciation commise la chambre de recours dans l’examen de l’usage sérieux de la marque contestée dans l’Union pour les produits en cause. 

55      Dès lors, il convient de rejeter le recours dans son ensemble, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité des chefs de conclusions de la requérante tendant à l’annulation de la décision de la division d’annulation du 23 novembre 2017 et au maintien de l’enregistrement de la marque contestée pour tous les produits pour lesquels elle était enregistrée.

 Sur les dépens

56      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Electrolux Home Products, Inc., est condamnée aux dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 octobre 2020.