Affaire République française contre Commission européenne n° C‑404/19 P CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE présentées le 3 septembre 2020   

« Pourvoi – FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement de l’Union européenne – Aides directes à la surface versées en Haute-Corse – Système de contrôle gravement déficient – Conditions pour l’application d’une correction financière forfaitaire de 100 % – Taux de 100 % – Règlement (UE) no 1306/2013 – Article 52, paragraphe 2 – Règlement délégué (UE) no 907/2014 – Article 12, paragraphe 7, sous c) – Lignes directrices relatives au calcul des corrections financières dans le cadre des procédures d’apurement de conformité et d’apurement des comptes – Point 3.2.5 »

I.      Introduction

1.        Par le présent pourvoi, la République française demande l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 mars 2019, France/Commission (2), par lequel celui‑ci a rejeté le recours introduit par cet État membre à l’encontre de la décision d’exécution (UE) 2017/2014 de la Commission (3). Par cette décision, la Commission a notamment imposé audit État membre une correction financière forfaitaire de 100 % concernant les aides directes à la surface versées en Haute-Corse pour les années de demande 2013 et 2014, en raison des défaillances graves constatées dans le système de contrôle desdites aides. Le taux de 100 % correspond à la totalité des aides versées. 

2.        Les conditions pour appliquer une correction forfaitaire à hauteur de 100 % sont prévues au point 3.2.5. des lignes directrices de la Commission relatives au calcul des corrections financières (4). Ce point prévoit qu’un tel taux peut être appliqué lorsque les déficiences du système de contrôle d’un État membre sont si graves qu’elles constituent un non‑respect total des règles de l’Union, de nature à rendre tous les paiements irréguliers.

3.        À l’appui de son pourvoi, la République française soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’arrêt attaqué en jugeant que l’imposition par la Commission de la correction forfaitaire de 100 % était justifiée. Cet État membre ne conteste pas que le système de contrôle en Haute-Corse ait été défaillant, de sorte que la Commission pouvait imposer une correction forfaitaire, mais reproche au Tribunal d’avoir retenu une interprétation et une application erronées du point 3.2.5. des lignes directrices en jugeant que les conditions y mentionnées pour appliquer un taux à hauteur de 100 % étaient remplies. Le présent pourvoi invite donc la Cour à se pencher, à ma connaissance pour la première fois, sur les conditions qui président à l’imposition d’une correction financière forfaitaire de 100 %, telle que prévue par le point 3.2.5. des lignes directrices. 

4.        À l’issue de mon analyse, je proposerai à la Cour d’accueillir le pourvoi. 

II.    Le cadre juridique 

A.      Le règlement (UE) no 1306/2013

5.        L’article 52 du règlement no (UE) 1306/2013 (5), intitulé « Apurement de conformité », prévoit, à son paragraphe 1, que la Commission adopte des actes d’exécution déterminant les montants à exclure du financement de l’Union, lorsqu’elle considère que des dépenses du FEAGA et du Feader n’ont pas été effectuées conformément au droit de l’Union. Conformément à l’article 52, paragraphe 2, de ce règlement, la Commission évalue les montants à exclure au vu, notamment, de l’importance de la non‑conformité constatée, et tient compte de la nature de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à l’Union. 

B.      Le règlement d’exécution (UE) no 907/2014

6.        Les critères et la méthodologie pour l’application de corrections dans le cadre de l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013 sont prévus à l’article 12 du règlement d’exécution (UE) no 907/2014 (6). Il ressort de l’article 12, paragraphe 6, de ce règlement que, lorsque les montants à exclure du financement de l’Union ne peuvent être déterminés par le calcul ou l’extrapolation visés aux paragraphes 2 et 3 de cet article (7), la Commission applique des corrections forfaitaires appropriées, en tenant compte de la nature et de la gravité de l’infraction et de sa propre estimation du risque de préjudice financier pour l’Union. 

7.        L’article 12, paragraphe 7, sous c), du règlement d’exécution (UE) no 907/2014 prévoit : 

« En établissant le niveau des corrections forfaitaires, la Commission tient spécifiquement compte des circonstances suivantes, qui indiquent un degré de gravité plus élevé des lacunes constatées et, partant, un risque accru de perte pour le budget de l’Union :

[...]

c)      l’application par l’État membre d’un système de contrôle est jugée absente ou gravement déficiente, et il existe des preuves d’irrégularités et de négligence importantes dans la lutte contre les pratiques irrégulières ou frauduleuses ; 

[...] »

C.      Les lignes directrices 

8.        Dans ses lignes directrices, la Commission a exposé les principes généraux et le niveau de la correction forfaitaire que la Commission peut proposer en vertu de l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013 et de l’article 12, paragraphes 6 et 7, du règlement d’exécution no 907/2014 (8).

9.        S’agissant des principes généraux, il ressort des lignes directrices que, dans le cas des corrections forfaitaires, le préjudice financier probable causé à l’Union doit être déterminé par une évaluation du risque  résultant de la déficience dans le contrôle, qui peut concerner tant la nature ou la qualité des contrôles effectués que le nombre de ces contrôles. Le principe sous‑jacent, le principe de proportionnalité exposé par l’article 52, paragraphe 2, du règlement (UE) no 1306/2013, est que le taux de correction doit être clairement lié au préjudice financier causé à l’Union (9). 

10.      En ce qui concerne le niveau de la correction forfaitaire, les lignes directrices prévoient une application, selon les circonstances y mentionnées, d’une correction à hauteur de 2 %, 3 %, 5 %, 7 % ou 10 % (10). En outre, il ressort des lignes directrices que, dans des cas exceptionnels, des taux de correction supérieurs, allant jusqu’à 100 %, peuvent être adoptés (11). Un tel taux supérieur est prévu pour les cas visés à l’article 12, paragraphe 7, sous c), du règlement d’exécution no 907/2014. Ainsi, le point 3.2.5. des lignes directrices portant sur cette disposition prévoit :

« “[Si l]’application par un État membre d’un système de contrôle est jugée absente ou gravement déficiente, et [qu’]il existe des preuves d’irrégularités et de négligence importantes dans la lutte contre les pratiques irrégulières ou frauduleuses [(12)]” , il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 25 %, dans la mesure où il peut être raisonnablement estimé que la liberté de soumettre impunément des demandes irrecevables occasionnera des préjudices financiers extrêmement élevés pour le budget de l’Union.

Le taux de correction peut être fixé à un niveau encore plus élevé lorsque cela se justifie. Ce sera le cas lorsque, sur la base d’informations fournies par l’État membre, la population à risque a été (très) restreinte. De même, la totalité de la dépense peut être écartée du financement de l’Union lorsque les déficiences sont si graves qu’elles constituent un non‑respect total des règles de l’Union, de nature à rendre tous les paiements irréguliers. »

III. Les faits à l’origine du litige, le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

A.      Les faits à l’origine du litige

11.      Pour les besoins des présentes conclusions, les antécédents du litige, exposés par le Tribunal aux points 1 à 37 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés de la manière suivante. 

12.      Du 24 au 28 novembre 2014, la Commission a réalisé, en France, une enquête portant sur le secteur des aides à la surface sollicitées pour les années de demande 2013 et 2014. À la suite de cette enquête, la Commission a communiqué ses résultats à la République française et il y a eu ensuite une correspondance entre cette institution et cet État membre relative à l’enquête.

13.      Par lettre du 20 mai 2016 (ci‑après la « communication du 20 mai 2016 »), la Commission a communiqué à la République française sa proposition d’exclure du financement de l’Union un montant total de 117 439 017,55 euros pour non‑conformité de la mise en œuvre du système d’aide à la surface en France aux règles de l’Union lors des années de demande 2013 et 2014. Ce montant se composait de quatre groupes de propositions de corrections, parmi lesquels l’un concernait les aides directes à la surface versées en Haute-Corse. Cette correction constituait une correction forfaitaire de 100 %, correspondant à un montant de 28 973 945,46 euros.

14.      Ladite correction forfaitaire de 100 % était fondée sur plusieurs constatations de défaillances relatives, notamment, aux problèmes liés à la définition des superficies éligibles. 

15.      Premièrement, la réglementation française permettait l’utilisation de ratios préalablement définis pour la prise en compte des particularités topographiques dans la surface agricole, de manière non conforme à la réglementation de l’Union sur les « bonnes conditions agricoles et environnementales » (ci‑après les « BCAE »), ce qui avait conduit les autorités françaises à ne pas toujours écarter des surfaces inéligibles. Plus particulièrement, la réglementation française n’aurait pas assuré le contrôle du « maintien » des terres agricoles dans des BCAE, conformément à l’article 6 du règlement (CE) no 73/2009. (13)

16.      Deuxièmement, la proposition de correction était fondée sur des problèmes liés à la définition des superficies éligibles résultant d’une interprétation incorrecte par les autorités françaises de l’article 34 du règlement (CE) no 1122/2009 (14). En substance, les autorités françaises avaient considéré comme étant éligibles des surfaces principalement boisées à très faible ressource herbagère ou non accessibles aux animaux, déclarées comme « landes et parcours », alors que ces surfaces ne respectaient pas les conditions posées par la réglementation de l’Union.

17.      Par ailleurs, la Commission a indiqué, dans la communication du 20 mai 2016, que ces défaillances avaient déjà été observées dans le cadre de la procédure de conformité couvrant les années de demande 2008 à 2012, mais que les autorités françaises n’avaient pas apporté de modification dans l’approche suivie à cet égard. En l’absence de modification dans l’approche suivie jusqu’à présent, ayant un effet réel sur le terrain, les corrections appliquées à ce département dans les enquêtes précédentes – un taux forfaitaire de 100 % – allaient continuer à s’appliquer pour les années de demande 2013 et 2014. 

18.      Par lettre du 22 juin 2016, les autorités françaises ont saisi l’organe de conciliation au sujet de la correction financière retenue par la Commission concernant le département de la Haute-Corse. Elles ont fait valoir, en substance, que l’argument de la Commission pour justifier le rejet du chiffrage qu’elles proposaient à cet égard n’était pas suffisant au regard de la réglementation de l’Union et que la proposition de correction forfaitaire de 100 % concernant le cas de la Haute-Corse n’était pas conforme aux procédures de chiffrage du préjudice prévu par cette réglementation.

19.      Le 19 décembre 2016, l’organe de conciliation a rendu son avis. Il a, en substance, constaté que la conciliation n’était pas possible à ce stade et a considéré qu’une correction de 100 % serait probablement disproportionnée au regard du risque réel pour le FEAGA. En conséquence, il a invité les services de la Commission à envisager une correction inférieure.

20.      Le 21 février 2017, la Commission a arrêté sa position finale. Elle a maintenu sa position initiale exposée dans la communication du 20 mai 2016, en précisant qu’une correction forfaitaire de 100 % était justifiée dans la mesure où les informations disponibles montraient que les déficiences concernant le contrôle des aides en Haute-Corse étaient si graves qu’elles constituaient une non‑conformité totale aux règles de l’Union et qu’elles généraient un risque très élevé pour le FEAGA.

21.      Le 8 novembre 2017, la Commission a adopté, au titre de l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013, la décision litigieuse par laquelle elle a imposé quatre groupes de corrections, y compris une correction forfaitaire de 100 % correspondant à  28 973 945,46 euros concernant les dépenses relatives aux aides directes à la surface afférentes à la Corse pour les années de demande 2013 et 2014, en raison des défaillances graves constatées dans le système de contrôle desdites aides (sous l’intitulé « Système de contrôle gravement déficient, Corse »). Dans le rapport de synthèse joint à la décision litigieuse, la Commission a justifié l’imposition de cette correction pour des motifs identiques à ceux exposés par la Commission dans sa communication du 20 mai 2016. 

B.      Le recours devant le Tribunal

22.      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 janvier 2018, la République française a introduit un recours tendant à l’annulation partielle de la décision litigieuse en soulevant plusieurs moyens dirigés contre les quatre groupes de corrections financières, y compris celui de 100 % concernant la Haute-Corse. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours.

C.      La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

23.      Par mémoire du 23 mai 2019, la République française a introduit le présent pourvoi contre l’arrêt attaqué. Dans le cadre de ce pourvoi, cet État membre conteste uniquement le bien‑fondé de l’un des quatre groupes de corrections financières dont le Tribunal a eu à connaître dans l’arrêt attaqué, à savoir la correction forfaitaire de 100 % concernant les aides directes à la surface versées en Haute‑Corse pour les années de demande 2013 et 2014. 

24.      Ainsi, par son pourvoi, la République française conclut à ce que la Cour :

–        annule partiellement l’arrêt attaqué, en tant qu’il a rejeté les conclusions présentées par la République française tirées d’une violation du principe de proportionnalité visant à l’annulation de la décision litigieuse, en ce qu’elle inflige à la République française une correction forfaitaire de 100 % en raison des défaillances dans le système de contrôle des aides à la surface en Haute-Corse pour les années de demande 2013 et 2014 ;

–        statue définitivement sur le litige en annulant la décision litigieuse en ce qu’elle inflige à la République française des corrections forfaitaires de 100 % en raison des défaillances dans le système de contrôle des aides à la surface en Haute-Corse pour les années de demande 2013 et 2014 ;

–         et condamne la Commission aux dépens. 

25.      Par son mémoire en réponse, la Commission conclut à ce que la Cour :

–        rejette le pourvoi ;

–        et condamne la République française aux dépens. 

26.      Lors de l’audience qui s’est tenue le 27 février 2020, la République française et la Commission ont présenté leurs observations orales.

IV.    Analyse

27.      Par son moyen unique, la République française soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’arrêt attaqué en jugeant que la Commission était en droit d’imposer la correction forfaitaire de 100 % concernant les aides directes à la surface versées en Haute-Corse pour les années de demande 2013 et 2014.

28.      Dans la décision litigieuse, cette correction était justifiée au regard de la situation singulière du département de Haute-Corse dans lequel la Commission avait constaté des défaillances qui consistaient, notamment, en des problèmes liés à la définition des superficies éligibles (15). La Commission indiquait également que ces défaillances avaient déjà été observées dans le cadre de la procédure de conformité couvrant les années 2008 à 2012 et que, en l’absence de modifications dans l’approche suivie par les autorités françaises, une correction forfaitaire de 100 % devait être appliquée également pour les années de demande 2013 et 2014 (16).

29.      Devant le Tribunal, la République française a contesté le bien‑fondé de cette décision en faisant valoir, notamment, que les conditions pour appliquer une correction forfaitaire de 100 %, prévue au point 3.2.5. des lignes directrices, n’étaient pas remplies et que la correction litigieuse était, dès lors, disproportionnée.

30.      Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté ce moyen comme étant non fondé (17). Plus particulièrement, le Tribunal a, en substance, d’abord interprété, aux points 117 et 118 de l’arrêt attaqué, les conditions pour appliquer un taux de 100 % prévues au point 3.2.5. des lignes directrices puis a ensuite, aux points 134 à 136 de l’arrêt attaqué, appliqué cette interprétation aux circonstances de l’espèce. À cet égard, il a jugé, d’une part, que le système de contrôle en Haute-Corse était fondé sur une définition erronée des superficies éligibles, ce qui méconnaissait l’une des conditions de fond du régime des aides à la surface et, d’autre part, qu’une telle méconnaissance était si grave qu’elle constituait, conformément au point 3.2.5. des lignes directrices, un non‑respect total des règles de l’Union de nature à rendre tous les paiements irréguliers. Le Tribunal en a conclu que la Commission était dès lors fondée à imposer la correction litigieuse. 

31.      À l’appui de son pourvoi, la République française soutient que le Tribunal a commis, au point 118 de l’arrêt attaqué, une erreur de droit dans son interprétation du point 3.2.5. des lignes directrices, ce qui aurait ensuite entraîné une application erronée de ces mêmes lignes directrices aux points 134 à 136 de l’arrêt attaqué. Cet État membre allègue notamment que le fait que le système de contrôle méconnaît une condition de fond du régime des aides à la surface ne suffit pas – à lui seul – à justifier l’application d’un taux de 100 %. En d’autres termes, la République française ne conteste pas, en tant que telles, les défaillances que la Commission a constatées dans le système de contrôle en Haute-Corse, mais se borne à alléguer que de telles défaillances ne peuvent aboutir à l’application d’un taux forfaitaire à hauteur de 100 %.

32.      La Commission, quant à elle, réfute les arguments de la République française et conclut au rejet du moyen comme étant non fondé.

33.      Afin d’apprécier le moyen de la République française, il convient, à titre liminaire, de déterminer la justification invoquée par la Commission pour imposer la correction litigieuse, étant donné que ce point est contesté par les parties devant la Cour (section A). Ensuite, il y a lieu de vérifier l’interprétation donnée par le Tribunal du point 3.2.5. des lignes directrices telle qu’exposée aux points 117 et 118 de l’arrêt attaqué (section B). Enfin, à la lumière de cette analyse, il convient de vérifier si c’est à bon droit que le Tribunal a approuvé l’imposition par la Commission de la correction litigieuse aux points 134 à 136 de l’arrêt attaqué (section C).

A.      La justification invoquée par la Commission pour imposer la correction litigieuse

34.      À titre liminaire, je souligne que l’imposition d’un taux de correction financière de 100 % peut se justifier dans deux situations distinctes : soit lorsque la totalité des dépenses a été octroyée en l’absence de tout fondement juridique en droit de l’Union (ci‑après la « première situation »), soit, si un fondement juridique du financement existe en droit de l’Union, lorsque le système de contrôle d’un État membre est gravement défaillant, de nature à rendre tous les paiements irréguliers (ci‑après la « seconde situation ») (18). C’est cette seconde situation qui est concernée par le point 3.2.5. des lignes directrices. 

35.      Devant la Cour, la Commission a confirmé que l’imposition de la correction litigieuse était fondée sur la seconde situation. Toutefois, la Commission a fait valoir que cette imposition était également établie sur la première situation. Ainsi, dans son mémoire en réponse, la Commission a allégué qu’« il y avait à la fois un versement des aides dépourvu de tout fondement juridique et un dysfonctionnement caractérisé du système de contrôle en Haute-Corse », ce qu’elle a également confirmé lors de l’audience (19).

36.      À cet égard, je note qu’il importe de savoir si l’imposition de la correction litigieuse était fondée sur la seconde situation uniquement, comme le fait valoir la République française, ou si elle était fondée tant sur la seconde que sur la première situation, comme le soutient la Commission ; en effet, d’une part, la justification et, partant, le contrôle juridictionnel ne seront pas les mêmes dans les deux situations ; et, d’autre part, la République française reproche au Tribunal d’avoir amalgamé, dans l’arrêt attaqué, les conditions respectivement applicables dans la première et dans la seconde situation pour imposer un taux de correction financière de 100 %. 

37.      Afin d’apprécier le moyen de la République française, il convient donc, d’emblée, de déterminer dans quelle(s) situation(s) la Commission a imposé la correction litigieuse. À cet effet, j’estime utile, d’abord, de rappeler les différences entre les deux situations.

1.      Les différences entre les deux situations

38.      S’agissant en premier lieu de la justification pour imposer un taux de 100 %, il convient de constater que, dans la première situation,  celle‑ci se trouve au niveau de la réglementation. 

39.      En effet, il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour que le FEAGA ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions de l’Union dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles. Ainsi, seuls les montants versés en conformité avec les règles établies dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles sont mis à la charge du FEAGA. Reste donc à la charge des États membres tout autre montant versé, notamment les montants que les autorités nationales se sont à tort estimées autorisées à payer dans le cadre de cette organisation commune (20). 

40.      Dans cette situation, les aides versées sur un fondement juridique inexistant sont exclues du financement de l’Union, indépendamment de la constatation d’irrégularités ou de négligences dans le chef des autorités nationales. La Commission ne dispose à cet égard d’aucune marge d’appréciation pour accepter ou rejeter une dépense du financement de l’Union (21). Une correction imposée dans une telle situation est donc imposée sous forme d’une correction ponctuelle, ce qui signifie que la perte subie par l’Union – et, partant, le montant à exclure – peut être déterminée de manière précise.

41.      Dans la seconde situation, la justification pour appliquer un taux de 100 % réside notamment dans l’application par l’État membre d’un système de contrôle gravement déficient, tel que visé à l’article 12, paragraphe 7, sous c), du règlement no 907/2014. Ainsi, au point 3.2.5. des lignes directrices portant sur cette disposition, la Commission a précisé que, si les déficiences du système de contrôle sont si graves qu’elles constituent un non‑respect total des règles de l’Union de nature à rendre tous les paiements irréguliers, il convient d’appliquer une correction à hauteur de 100 % (22).

42.      Je souligne que, à la différence de la situation dans laquelle les aides sont versées en l’absence de tout fondement juridique (première situation), le taux de 100 % visé au point 3.2.5. des lignes directrices constitue un taux forfaitaire, ce qui signifie que la perte subie par le budget de l’Union ne peut être déterminée de manière précise. Ainsi, selon l’article 12, paragraphe 6, du règlement no 907/2014, des corrections forfaitaires prévues au paragraphe 7 de cet article sont appliquées lorsque les montants à exclure ne peuvent être déterminés par le calcul ou l’extrapolation visés aux paragraphes 2 et 3 dudit article (23). 

43.      En d’autres termes, conformément à l’article 12, paragraphe 6, du règlement no 907/2014, lorsqu’elle applique des corrections forfaitaires, la Commission doit déterminer le montant à exclure en fonction de l’ampleur du risque de perte subi par le budget de l’Union, en tenant compte de la nature et de la gravité de l’infraction (24). 

44.      S’agissant, en second lieu, du contrôle juridictionnel, il résulte de ce qui précède que, dans le cadre de la première situation, le Tribunal doit contrôler si l’octroi des aides par les autorités nationales est dépourvu de tout fondement juridique en droit de l’Union. Cette appréciation consiste à évaluer si les aides versées méconnaissent les conditions de fond du régime d’aide concerné, lesquelles sont essentielles pour déterminer l’admissibilité d’une demande d’aide, de sorte que ces aides se situent en dehors du régime d’aide (25).

45.      En revanche, dans le cadre de la seconde situation, le Tribunal doit contrôler si la Commission était en droit d’estimer que les déficiences du système de contrôle étaient si graves qu’elles constituaient un non‑respect total des règles de l’Union, de nature à rendre tous les paiements irréguliers conformément au point 3.2.5. des lignes directrices. En d’autres termes, le Tribunal doit contrôler le bien‑fondé de l’estimation par la Commission de la perte réelle subie par le budget de l’Union (26).

2.      La justification de la correction litigieuse

46.      S’agissant de la correction litigieuse, il me semble que le moyen de la Commission tiré de ce que cette correction aurait également été fondée sur la première situation est irrecevable. En effet, je constate que ce moyen n’a pas été soulevé devant le Tribunal et que celui‑ci, dans l’arrêt attaqué, se borne à vérifier si la correction litigieuse était justifiée au regard du point 3.2.5. des lignes directrices (27). Je rappelle que ce point porte sur la seconde situation. 

47.      Cela étant précisé, même si le moyen avait été soulevé devant le Tribunal, j’estime que c’est en tout état de cause à bon droit que ledit Tribunal s’est borné à vérifier, dans l’arrêt attaqué, si l’imposition de la correction litigieuse était justifiée au regard de la seconde situation. En effet, je constate, que les pièces de procédure dans l’affaire indiquent que la Commission a fondé l’imposition de la correction litigieuse sur les défaillances constatées dans le système de contrôle (28), ce qui aurait été sans objet si la totalité des aides versées avaient déjà été irrégulières en raison de l’absence de tout fondement juridique en droit de l’Union (29). En outre, il est constant que la correction litigieuse de 100 % est imposée par la Commission sous forme d’une correction forfaitaire (30). 

48.      Il résulte de ce qui précède que, dans le cadre du présent pourvoi, il y a uniquement lieu de vérifier si le Tribunal a commis une erreur de droit en estimant justifiée l’imposition, en raison d’un système de contrôle défaillant, d’une correction de 100 % en application du point 3.2.5. des lignes directrices (31).

B.      L’interprétation donnée par le Tribunal du point 3.2.5. des lignes directrices 

49.      L’interprétation donnée par le Tribunal du point 3.2.5. des lignes directrices figure aux points 117 et 118 de l’arrêt attaqué. Auxdits points 117 et 118, le Tribunal se réfère à une interprétation déjà établie dans sa propre jurisprudence de ce point des lignes directrices (32). 

50.      Je note que la République française a uniquement contesté l’interprétation donnée par le Tribunal au point 118 de l’arrêt attaqué. Toutefois, ce point 118 se réfère au point 117 qui le précède. Afin de vérifier le bien‑fondé dudit point 118, il convient donc d’abord d’examiner ledit point 117. Comme je l’expliquerai, je considère que la jurisprudence rappelée au point 117 de l’arrêt attaqué constitue une interprétation raisonnable de ce point des lignes directrices (section 1.), alors qu’il me semble que le Tribunal a commis une erreur de droit au point 118 (section 2.).

1.      La jurisprudence rappelée au point 117 de l’arrêt attaqué 

51.      S’agissant de la jurisprudence rappelée au point 117 de l’arrêt attaqué, il ressort de celle‑ci qu’un taux de correction de 100 % s’applique sur le fondement du point 3.2.5. des lignes directrices « lorsqu’un système de contrôle existant est complètement étranger à la réglementation de l’Union pertinente, fait abstraction des éléments de fond du régime d’aide en cause et de ses objectifs et ne permet pas, du fait de sa nature, de déceler les pratiques des opérateurs concernés, qui contournent ou manipulent [l]es éléments de fond. En effet, ces carences de contrôles créent un risque que tous les paiements effectués dans le cadre du régime d’aide en cause soient irréguliers. Ainsi, ces carences s’assimilent, du fait de leurs conséquences financières pour les [fonds], à des interventions qui se situent en dehors d’un régime d’aide ». 

52.      À mes yeux, cette jurisprudence constitue une interprétation raisonnable du point 3.2.5. des lignes directrices, dès lors que les trois indices cumulatifs rappelés au point 117 permettent, pris ensemble, de vérifier si les déficiences d’un système de contrôle sont si graves qu’elles constituent un non‑respect total des règles de l’Union, de nature à rendre tous les paiements irréguliers au sens des lignes directrices. 

53.      En effet, le premier indice (le système de contrôle est  complètement étranger à la réglementation de l’Union pertinente) assure d’abord le respect de la condition essentielle énoncée au point 3.2.5. des lignes directrices pour appliquer le taux de 100 %, à savoir que les déficiences du système de contrôle sont si graves qu’elles constituent un nonrespect total des règles de l’Union. Je souligne à cet égard que, dans la mesure où le système de contrôle est jugé absent ou gravement déficient au sens de l’article 12, paragraphe 7, sous c), du règlement no 907/2014, sans toutefois constituer un non‑respect total des règles de l’Union, il convient en règle générale, conformément aux lignes directrices, d’appliquer un taux de 25 %.

54.      Ensuite, le deuxième indice (le système de contrôle fait abstraction des éléments de fond du régime d’aides en cause et de ses objectifs) qualifie le type de défaillance susceptible de rendre tous les paiements irréguliers. Je rappelle que les éléments de fond d’une aide sont des conditions essentielles pour l’octroi de l’aide (33) et la circonstance selon laquelle le système de contrôle fait abstraction de l’un ou de plusieurs de ceux‑ci est donc susceptible de rendre tous les paiements irréguliers (34). Il en va de même pour les objectifs d’un régime d’aide. En effet, bien que les conditions de fond soient formellement remplies, il est possible que les objectifs sous‑jacents de l’organisation commune des marchés ne le soient pas, de sorte que tous les paiements soient irréguliers (35). 

55.      Enfin, le troisième indice (le système de contrôle ne permet pas, de par sa nature, de déceler les pratiques des opérateurs concernés, qui contournent ou manipulent les éléments de fond) se fonde sur l’hypothèse visée à l’article 12, paragraphe 7, sous c), du règlement no 907/2014, dans laquelle il existe des preuves d’irrégularités et de négligence importantes dans la lutte contre les pratiques irrégulières ou frauduleuses. 

56.      Comme il découle de ces trois indices cumulatifs, l’application d’un taux forfaitaire de 100 % est strictement encadrée, et c’est à mon sens à juste titre. 

57.      En effet, d’une part, je rappelle que l’application du taux de 100 % se limite à des cas exceptionnels, où les carences dans le système de contrôle s’assimileraient, du fait de leurs conséquences financières pour les fonds, à des interventions qui se situent en dehors d’un régime d’aide (la première situation) (36). Toutefois, en raison de la nature des déficiences du système de contrôle, qui ne permettent pas de vérifier la régularité des aides versées (37), la Commission n’est pas en mesure d’établir si toutes les aides contestées ont effectivement été versées en violation du droit de l’Union, comme c’est le cas lorsque les aides sont versées en l’absence de tout fondement juridique. Les trois indices rappelés au point 117 de l’arrêt attaqué permettent à cet égard de vérifier s’il existe des défaillances suffisamment graves au niveau du système de contrôle pour considérer que tous les paiements sont irréguliers.

58.      D’autre part, il y a lieu de rappeler que, conformément au point 3.2.5. des lignes directrices, il convient, en règle générale, d’appliquer un taux de 25 %, lorsque l’application par un État membre d’un système de contrôle est jugée absente ou gravement déficiente, et qu’il existe des preuves d’irrégularités et de négligence importantes dans la lutte contre les pratiques irrégulières ou frauduleuses. En d’autres termes, l’application d’une correction d’un taux excédant 25 % – et a fortiori d’un taux à hauteur de 100 % – suppose que soit démontrée l’existence de circonstances d’une gravité accrue au regard de la situation justifiant l’application d’une correction de 25 % et, s’agissant d’un taux de 100 %, d’une gravité extrême (38). Or, seul un faisceau d’indices permet d’établir une telle gravité accrue. 

2.      La jurisprudence rappelée au point 118 de l’arrêt attaqué 

59.      Le point 118 de l’arrêt attaqué prévoit ensuite qu’« [a]insi, il résulte de cette jurisprudence [rappelée au point 117 de l’arrêt attaqué] que ce ne sont pas tant les carences dans [les contrôles clés dont souffre le système de contrôle] qui justifient l’application d’une correction de 100 % [que la méconnaissance des éléments de fond du régime d’aide en cause et de ses objectifs]. L’absence de satisfaction de la ou des conditions de fond de l’octroi d’une aide justifie l’exclusion de la totalité des dépenses [arrêt du 10 juillet 2014, Grèce/Commission, T‑376/12, EU:T:2014:623, point 123 (non publié)] ». 

60.      À mes yeux, la façon dont ce point doit être compris, et en particulier la manière dont il s’articule avec les trois indices mentionnés au point 117 de l’arrêt attaqué, n’est pas évidente. La portée de ce point a ainsi fait l’objet de discussions lors de l’audience, et c’est à mon sens à juste titre. En effet, ce point 118 manque de clarté à deux niveaux.

61.      D’une part, je constate que ce point 118 renvoie au point 123 de l’arrêt Grèce/Commission (39), mais le cite d’une manière parcellaire. D’autre part, la portée dudit point 123 manque elle‑même de clarté et ne permet pas, à mes yeux, d’éclairer la portée du point 118 de l’arrêt attaqué.

62.      Cela étant précisé, je constate toutefois que le Tribunal, au point 135 de l’arrêt attaqué, se réfère encore au point 118 susmentionné en déclarant que « conformément à la jurisprudence [...] citée aux points 117 et 118 [de l’arrêt attaqué], la méconnaissance des conditions de fond du régime d’aide en cause justifie l’exclusion de la totalité des dépenses ». 

63.      Eu égard à ce constat, il me semble que, ainsi que la République française l’a relevé lors de l’audience, le Tribunal, au point 118 susmentionné, a erronément fait l’amalgame entre la justification pour imposer un taux forfaitaire de 100 %, telle qu’elle découle très justement du point 117 de l’arrêt attaqué sous la forme des trois indices cumulatifs, et la justification pour imposer une correction financière de 100 % dans le cas des aides octroyées en l’absence de tout fondement juridique. Je rappelle que c’est seulement dans ce dernier cas que la méconnaissance des conditions de fond peut – à elle seule – justifier une correction correspondant à 100 %. 

64.      À cet égard, la Commission a précisé lors de l’audience que le point 3.2.5. des lignes directrices concerne la situation où la réglementation nationale est conforme aux conditions de fond découlant du droit de l’Union, et où la seule violation commise par l’État membre réside dans le système de contrôle, qui ne garantit pas que les conditions de fond soient effectivement remplies. Or, dans la présente affaire, la violation se trouverait tant du point de vue de la réglementation nationale, qui ne serait pas conforme au droit de l’Union, qu’à celui du système de contrôle. Ainsi, c’est la définition erronée dans la réglementation nationale qui aurait entraîné des erreurs dans le système de contrôle (40). 

65.      Selon la Commission, c’est dans ce contexte qu’il y a lieu de comprendre les points 117 et 118. Ainsi, lesdits points signifieraient – pris ensemble – que si, dans le contexte des corrections forfaitaires, on est face tant à une violation au niveau de la réglementation nationale  qu’à des défaillances dans le système de contrôle, et que ces défaillances ne permettent pas de discerner qui avait droit à l’aide et à concurrence de quel montant, une correction forfaitaire de 100 % se justifierait. Dans une telle situation, il y aurait un risque que la totalité des dépenses puissent être erronées. 

66.       J’estime que la lecture ainsi suggérée par la Commission, outre le fait qu’elle s’éloigne quelque peu de l’arrêt attaqué au vu de ce qui précède, serait en tout état de cause contraire au cadre réglementaire ainsi qu’aux lignes directrices. 

67.      En effet, au niveau du cadre réglementaire, il convient de rappeler, d’une part, que l’imposition de tout taux forfaitaire – quel que soit le taux – signifie par sa nature que la perte réelle ne peut être déterminée de manière exacte. L’incertitude quant au préjudice subi par l’Union justifie donc l’imposition d’un taux forfaitaire, mais ne saurait à elle seule justifier que celui‑ci s’élève à 100 %. 

68.      D’autre part, s’il est raisonnable de supposer que, de manière générale, le fait que la réglementation nationale – autre que le système de contrôle – méconnaît les conditions de fond augmente le risque pour le préjudice subi par l’Union, ce fait n’implique nullement – à lui seul – que le risque réel s’élève à 100 %. Je rappelle à cet égard que ce n’est pas toute violation des conditions de fond qui est susceptible de rendre tous les paiements irréguliers (41), et que, dès lors, on ne saurait considérer que le risque réel s’élève à 100 % sans procéder au moins à une telle analyse au préalable. 

69.      S’agissant des lignes directrices, j’estime que l’interprétation qu’en donne la Commission repose sur une confusion entre les conditions d’application du taux de correction de 25 % et celles du taux de correction de 100 %. Ainsi, l’incapacité de vérifier si l’aide bénéficie aux personnes qui y ont droit est aussi la conséquence de l’absence complète de mise en œuvre du système de contrôle par un État membre justifiant l’application d’un taux de correction de 25 %. En réalité, toute défaillance de contrôle portant sur un élément de fond conditionnant la légalité de l’octroi de l’aide a pour conséquence l’introduction d’une incertitude quant au point de savoir si l’aide bénéficie aux personnes qui y ont droit. Ces circonstances ne sauraient par conséquent justifier, à elles seules, l’application d’un taux de correction de 100 % sur le fondement des lignes directrices (42). En somme, le fait qu’il existe une incertitude sur la régularité de chaque aide versée prise individuellement ne revient pas à dire que toutes les aides versées sont irrégulières au sens du point 3.2.5. des lignes directrices. 

70.      Il résulte de tout ce qui précède que le point 117 de l’arrêt attaqué constitue une interprétation raisonnable du point 3.2.5 des lignes directrices. Je propose à la Cour de l’appliquer dans le cadre du présent pourvoi. Quant au point 118 de l’arrêt attaqué, il semble que le Tribunal ait mal interprété le point 3.2.5. des lignes directrices, et comme je l’expliquerai, il semble que ce soit cette erreur qui ait entraîné une application erronée de ce point. 

C.      L’application par le Tribunal du point 3.2.5. des lignes directrices en l’espèce

71.      L’application par le Tribunal du point 3.2.5. des lignes directrices aux circonstances de l’espèce (points 134 à 136 de l’arrêt attaqué) se fonde en substance sur trois éléments exposés auparavant dans l’arrêt attaqué, relatifs aux défaillances constatées dans le système de contrôle en Haute-Corse. Même si ces éléments ne sont pas contestés par la République française, ils sont toutefois pertinents afin de vérifier ceux qui le sont. 

72.      Le Tribunal a, d’abord, établi que la détermination de la surface agricole d’une exploitation constitue une condition de fond pour l’octroi des aides à la surface. En effet, si ladite surface est incorrectement déterminée sur la base d’une définition d’un ou de plusieurs éléments qui la composent (les terres arables, les pâturages permanents et les cultures permanentes) non conforme au droit de l’Union, il s’agit d’une erreur qui affecte l’une des conditions de fond du régime d’aides à la surface, à savoir la détermination du périmètre de la surface agricole sur la base duquel sont calculés les droits au paiement (43).

73.      Ensuite, le Tribunal a jugé que le régime d’aide en Haute-Corse était fondé sur des définitions erronées relatives à la détermination de la surface agricole d’une exploitation. Ces erreurs se comptaient au nombre de deux et portaient sur l’acceptation par les autorités françaises, d’une part, d’éléments topographiques tels que des mares, des affleurements rocheux et des bosquets et, d’autre part, des « landes et parcours », de manière non conforme aux règles prévues par le droit de l’Union (44). 

74.      Enfin, le Tribunal a estimé que les erreurs dans la définition des superficies éligibles au régime d’aides à la surface en Haute-Corse entachent le SIGC mis en œuvre en Haute-Corse, conçu sur la base de ces erreurs, de telle sorte que ledit système de contrôle n’était pas apte à déceler les erreurs afférentes à la détermination des surfaces agricoles, ce qui a permis à des agriculteurs de déclarer, dans de nombreux cas, des terres non admissibles (45).

75.      Aux points 134 à 136 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, sur la base de cette définition erronée, ont été admises, de manière quasi systématique, des surfaces inéligibles, ce qui atteste l’existence d’un dysfonctionnement suffisamment grave du système de contrôle. Selon le Tribunal, ladite définition méconnaissait ainsi une condition essentielle de fond. Le Tribunal en a déduit que, conformément à la jurisprudence citée aux points 117 et 118 de l’arrêt attaqué, la méconnaissance des conditions de fond du régime d’aide en cause justifie l’exclusion de la totalité des dépenses, et en a conclu que les déficiences en cause étaient si graves qu’elles constituaient un non‑respect total des règles de l’Union, de nature à rendre tous les paiements irréguliers.

76.      À l’instar de la République française, j’estime que le Tribunal a commis une erreur de droit aux points 134 à 136 de l’arrêt attaqué en jugeant que la méconnaissance des conditions de fond du régime d’aide en cause justifiait l’exclusion de la totalité des dépenses en application du point 3.2.5. des lignes directrices. L’erreur est constituée, en substance, de deux volets. 

77.      Tout d’abord, ainsi que je l’ai déjà exposé au point 63 des présentes conclusions, le fait qu’un système de contrôle méconnaît des conditions de fond d’un régime d’aides ne suffit pas – à lui seul – à justifier l’imposition d’une correction forfaitaire de 100 % en application du point 3.2.5. des lignes directrices (46). C’est donc à tort que le Tribunal, au point 136 de l’arrêt attaqué, a jugé que les « déficiences [du système de contrôle] en cause méconnaissaient [les conditions de fond du régime d’aide] et, partant, étaient si graves qu’elles constituaient un non‑respect total des règles de l’Union, de nature à rendre tous les paiements irréguliers » (47). 

78.      Cela étant précisé, je constate, ensuite, que la méconnaissance de la condition de fond en cause n’est même pas, par sa nature, susceptible de rendre tous les paiements irréguliers. 

79.      En effet, la définition méconnue en l’espèce porte sur quelques types de surfaces (surfaces fourragères à très faible ressource herbagère ainsi que des éléments du paysage, tels les affleurements rocheux, les mares et les bosquets), ce qui n’implique pas que toutes les surfaces déclarées éligibles n’auraient pas dû l’être. Ainsi que le Tribunal l’a, en substance, lui‑même constaté au point 127 de l’arrêt attaqué à juste titre, la définition erronée a seulement pour conséquence que le montant des aides à la surface soit  supérieur à celui auquel les agriculteurs concernés auraient eu droit si la surface agricole de leurs exploitations avait été correctement évaluée. En d’autres termes, la République française a retenu une interprétation trop large des surfaces éligibles, et une telle méconnaissance de la définition de la surface agricole n’est pas susceptible de rendre tous les paiements irréguliers. Le fait que la réglementation nationale – autre que le système de contrôle – méconnaît cette condition, ce qui a conduit des agriculteurs, dans de nombreux cas, à déclarer des terres non admissibles, ne change rien à cet égard. 

80.      Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient d’accueillir le moyen de la République française sur ce point et, par conséquent, d’annuler partiellement l’arrêt attaqué.

D.      Sur le recours devant le Tribunal

81.      Conformément à l’article 61, premier alinéa, seconde phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, cette dernière, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, peut statuer elle‑même définitivement sur le litige lorsque celui‑ci est en l’état d’être jugé.

82.      J’estime que tel est le cas dans la présente affaire. En effet, l’imposition par la Commission de la correction litigieuse était fondée, en substance, sur les deux mêmes défaillances dans le système de contrôle que celles exposées par le Tribunal (48). Or, il résulte de l’analyse dans les présentes conclusions que de telles défaillances ne peuvent justifier un taux forfaitaire de 100 %. Il conviendrait par conséquent d’annuler la décision litigieuse sur ce point.

E.      Sur les dépens

83.      Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, de son règlement de procédure, la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et qu’elle juge elle‑même définitivement le litige, statue sur les dépens. 

84.      Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui‑ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens.

85.      La Commission ayant succombé en ses conclusions, il convient de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la République française.

V.      Conclusion

86.      Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour :

–        d’annuler partiellement l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 mars 2019, France/Commission, T‑26/18, non publié, EU:T:2019:153, en tant qu’il a rejeté les conclusions présentées par la République française tirées d’une violation du principe de proportionnalité visant à l’annulation de la décision d’exécution (UE) 2017/2014 de la Commission, du 8 novembre 2017, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), en ce qu’elle inflige à la République française une correction forfaitaire de 100 % en raison des défaillances dans le système de contrôle des aides à la surface en Haute-Corse pour les années de demande 2013 et 2014 ;

–        d’annuler la décision d’exécution (UE) 2017/2014 de la Commission du 8 novembre 2017, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), en ce qu’elle inflige à la République française des corrections forfaitaires de 100 % en raison des défaillances dans le système de contrôle des aides à la surface en Haute-Corse pour les années de demande 2013 et 2014 ;

–        de condamner la Commission européenne à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la République française.


1      Langue originale : le français.


2      T‑26/18, non publié, ci‑après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:153.


3      Décision du 8 novembre 2017, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2017, L 292, p. 61) (ci‑après la « décision litigieuse »).


4      Lignes directrices, du 8 juin 2015, relatives au calcul des corrections financières dans le cadre des procédures d’apurement de conformité et d’apurement des comptes, Communication [C(2015) 3675 final, ci‑après les « lignes directrices »)].


5      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) n° 814/2000, (CE) no 1200/2005 et no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549).


6      Règlement délégué de la Commission du 11 mars 2014 complétant le règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les garanties et l’utilisation de l’euro  (JO 2014, L 255, p. 18).


7      Par la correction calculée visée à l’article 12, paragraphe 2, du règlement no 907/2014, la Commission fonde l’exclusion sur la mise en évidence des montants indûment dépensés. Par la correction extrapolée visée à l’article 12, paragraphe 3, du règlement no 907/2014le montant à exclure du financement de l’Union à la suite de l’extrapolation, par des moyens statistiques, est le résultat de vérifications effectuées sur un échantillon représentatif de l’ensemble de la population dans laquelle l’échantillon a été prélevé, qui est limité à la zone dans laquelle la même non‑conformité peut être raisonnablement attendue (point 1.2. des lignes directrices).


8      Voir point 11.3.2. du chapitre 11 des lignes directrices, qui renvoie à son chapitre 3.


9      Points 1.3.2. et 3.1. des lignes directrices.


10      Point 3.2. des lignes directrices.


11      Point 3 des lignes directrices. 


12      Cette citation correspond, en substance, au libellé de l’article 12, paragraphe 7, sous c), du règlement d’exécution no 907/2014. 


13      Règlement du Conseil du 19 janvier 2009 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) no 1782/2003 (JO 2009, L 30, p. 16).


14      Règlement de la Commission du 30 novembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité, la modulation et le système intégré de gestion et de contrôle dans le cadre des régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs prévus par ce règlement ainsi que les modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité dans le cadre du régime d’aide prévu pour le secteur vitivinicole (JO 2009, L 316, p. 65).


15      Voir, à cet égard, points 14 à 16 des présentes conclusions.


16      Voir, à cet égard, point 17 des présentes conclusions. Dans l’affaire ayant conduit à l’arrêt du 12 mars 2019, France/Commission (T‑156/15, non publié, EU:T:2019:157), la République française a contesté le bien‑fondé de cette imposition du taux de 100 % pour les années de demande 2011 et 2012 pour des raisons similaires à celles invoquées dans l’arrêt attaqué. Dans l’arrêt T-156/15, le Tribunal a annulé cette correction en raison d’une violation des droits de la défense et n’a donc pas eu l’occasion d’examiner la question de savoir si l’imposition méconnaissait également le principe de proportionnalité (points 120 à 138 de l’arrêt). 


17      Voir points 111 à 139 de l’arrêt attaqué.


18      Voir, dans le même sens, conclusions de l’avocat général Stix-Hackl dans l’affaire Belgique/Commission (C‑332/00, EU:C:2001:653, points 68 à 71 et jurisprudence citée).


19      La République française a indiqué à cet égard que c’est uniquement dans le cadre du pourvoi que la Commission a fait valoir que la correction litigieuse était fondée à la fois sur un versement des aides dépourvu de tout fondement juridique et sur un dysfonctionnement caractérisé du système de contrôle.


20      Voir, en ce sens, arrêt du 18 avril 2002, Belgique/Commission (C‑332/00, EU:C:2002:235, point 44).


21      Voir, en ce sens, arrêt du 18 avril 2002, Belgique/Commission (C‑332/00, EU:C:2002:235, points 36 et 45 ainsi que jurisprudence citée).


22      Dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de décider des dépenses à écarter du financement de l’Union au titre des carences des contrôles effectués par les États membres, la Commission s’est autolimitée par ces lignes directrices, de telle sorte qu’elle ne saurait s’en écarter (voir, dans la même sens, arrêt du 10 juillet 2014, Grèce/Commission (T‑376/12, EU:T:2014:623, point 108 et jurisprudence citée).


23      Pour la définition de ces types de calculs, voir note en bas de page 7 des présentes conclusions.


24      En général, le fait que les montants à exclure dans le cas d’un système de contrôle gravement déficient ne peuvent être déterminés de manière précise tient à la nature même de ce type de défaillance. En effet, dans la mesure où, par exemple, plusieurs contrôles clés ne sont pas effectués, le système de contrôle sera par nature inefficace pour déterminer l’admissibilité d’une demande d’aide.


25      Voir, notamment, arrêt du 18 avril 2002, Belgique/Commission (C‑332/00, EU:C:2002:235, point 36), dans lequel l’aide a été versée sur un fondement juridique en substance inexistant, ce qui a entraîné l’exclusion totale de celle‑ci du financement de l’Union, indépendamment de la constatation d’irrégularités ou de négligences dans le chef des autorités compétentes. Voir, également, arrêt du 6 juillet 2000, Espagne/Commission (C‑45/97, EU:C:2000:362, points 40 à 43), dans lequel la Cour a considéré que l’infraction à la législation de l’Union relative à la pureté de l’huile d’olive était établie dans la mesure où la présence d’une substance chimique n’était pas compatible avec la définition de l’huile d’olive et, partant, a jugé que la correction de 100 % des dépenses était justifiée. De même, dans l’arrêt du 9 avril 2008, Grèce/Commission (T‑364/04, non publié, EU:T:2008:97, point 39), le Tribunal a considéré qu’un refus de financement de la totalité de la dépense était justifié dans la mesure où la totalité des livraisons de pêches avait eu lieu en dehors du régime communautaire, car en non‑conformité avec les prescriptions relatives au prix minimal.


26      Comme il ressort de la section IV.B. des présentes conclusions, le Tribunal a, à cette fin, développé une interprétation dans sa jurisprudence pour vérifier le bien‑fondé d’une telle estimation. 


27      Voir, à cet égard, section IV.B. et IV.C. des présentes conclusions. Je rappelle que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la compétence de la Cour est limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens et arguments débattus devant le Tribunal : voir, notamment, arrêt du 24 mars 2011, ISD Polska e.a./Commission (C‑369/09 P, EU:C:2011:175, point 83) et jurisprudence citée. 


28      Notamment, le motif de la correction forfaitaire est dénommé « Système de contrôle gravement déficient » dans le tableau annexé à la décision litigieuse. De plus, il ressort de la position finale de la Commission du 21 février 2017 que « [d]ans la mesure ou les informations disponibles montrent que les défaillances concernant le contrôle des aides en Haute-Corse sont si graves qu’elles constituent une non‑conformité totale aux règles de l’UE [...] et qu’elles génèrent un risque pour le Fonds très élevé, une correction de 100 % est justifiée ». 


29      Voir, en ce sens, arrêt du 18 avril 2002, Belgique/Commission (C‑332/00, EU:C:2002:235, point 36).


30      Ainsi, il ressort d’un tableau annexé à la décision litigieuse que le type de dépenses écartées est une « correction forfaitaire ».


31      Cela étant précisé, dans le cadre du présent pourvoi et celui des corrections forfaitaires, il se pose une autre question, distincte mais toutefois liée, qui est celle de savoir si – et le cas échéant dans quelle mesure – une aide versée au titre d’un fondement juridique erroné (mais pas inexistant) peut justifier l’imposition d’un taux forfaitaire de 100 %, lorsque ce fondement juridique erroné affecte le système de contrôle d’une défaillance empêchant de discerner qui avait droit à l’aide et qui n’y avait pas droit (voir points 64 à 69 des présentes conclusions).


32      Cette jurisprudence interprète le document no VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie », qui a été remplacé par les lignes directrices. Le point 3.2.5. desdites lignes directrices est formulé dans des termes analogues à ceux du document no VI/5330/97, dont l’annexe II mentionnait que « la dépense peut même être entièrement rejetée, lorsque les carences sont suffisamment graves pour constituer un manquement complet au respect des règles [de l’Union] et ainsi rendre tous les paiements irréguliers ». L’interprétation du Tribunal relative à ce document vaut donc également pour le point 3.2.5. des lignes directrices, ainsi que l’expose également le Tribunal au point 116 de l’arrêt attaqué. 


33      Voir, à cet égard, point 44 et note en bas de page 25 des présentes conclusions. 


34      Ce deuxième indice correspond ainsi, en substance, à la condition posée dans le cadre de la première situation, mais en ce qui concerne le contrôle : dans le cadre de la première situation, toutes les aides versées sont irrégulières du fait que la réglementation nationale méconnaît les conditions de fond du régime d’aide prévues par le droit de l’Union. La seconde situation repose, en revanche, sur la prémisse que la réglementation nationale est conforme à ces conditions prévues par le droit de l’Union, mais que le système de contrôle fait toutefois abstraction de celles‑ci. De ce fait, la question de savoir si la méconnaissance des conditions de fond d’un régime d’aides (quelle que soit la méconnaissance d’une condition de fond ou de plusieurs d’entre elles) dans le cadre de la seconde situation est susceptible de rendre tous les paiements irréguliers, dépend de la nature de la violation de la condition ou des conditions concernées, tout comme dans le cadre de la première situation. Voir, notamment, arrêt du 18 avril 2002, Belgique/Commission (C‑332/00, EU:C:2002:235), mentionné à la note en bas de page 25 des présentes conclusions, ainsi qu’arrêt du 1er juillet 2009, Espagne/Commission (T‑259/05, non publié, EU:T:2009:232), mentionné à la note en bas de page 35 des présentes conclusions, pour des affaires où la méconnaissance d’une condition de fond était susceptible de rendre tous les paiements irréguliers. Voir, a contrario, points78 à 79 des présentes conclusions, pour un exemple où la méconnaissance d’une condition de fond n’est pas susceptible de rendre tous les paiements irréguliers. 


35      Voir, à ce titre, arrêt du 1er juillet 2009, Espagne/Commission (T‑259/05, non publié, EU:T:2009:232, points 90 à 114), où toutes les conditions d’octroi des aides concernées étaient formellement remplies. Toutefois, le but essentiel des opérations en cause (la production de lin textile) était dépourvu de finalité commerciale, ce qui était contraire à l’un des objectifs de l’organisation commune des marchés dans le secteur concerné, et a donc rendu tous les paiements irréguliers. 


36      Voir, en ce sens, points 3 et 3.2.5. des lignes directrices, tels que rappelés au point 10 des présentes conclusions. 


37      Voir, à cet égard, note en bas de page 24 des présentes conclusions. 


38      Voir, dans le même sens, arrêt du 10 juillet 2014, Grèce/Commission (T‑376/12, EU:T:2014:623, point 111) et arrêt du 9 septembre 2011, Grèce/Commission (T‑344/05, non publié, EU:T:2011:440, point 197).


39      Arrêt du 10 juillet 2014, (T‑376/12, EU:T:2014:623). Ce point 123 est libellé comme suit : « Ainsi, il résulte de cette jurisprudence que ce ne sont pas tant les carences dans l’application de certains contrôles clés que la méconnaissance des éléments de fond du régime d’aide en cause et de ses objectifs qui justifient l’application d’une correction financière de 100 %. Tel était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 1er juillet 2009, Espagne/Commission (T‑259/05, non publié au Recueil, points 181 à 185), dans lequel il a été constaté que les autorités espagnoles avaient failli dans la mise en œuvre du système de contrôle des aides à la production de lin textile dans un contexte de fraudes à grande échelle consistant, principalement, en des sur-déclarations systématiques des quantités de lin textile transformées et en des pratiques abusives consistant en une production de lin dépourvue de finalité commerciale. Tel était également le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 9 avril 2008, Grèce/Commission (T‑364/04, non publié au Recueil, points 31 à 39), dans lequel il a été constaté que les producteurs de pêches contournaient l’obligation de livraison à un prix minimal en livrant, certes, des quantités aux transformateurs à un tel prix, mais en effectuant également des livraisons en dehors de la réglementation à un prix plus faible, voire nul. L’absence de satisfaction de la ou des conditions de fond de l’octroi d’une aide justifie l’exclusion de la totalité des dépenses (arrêt du 9 septembre 2011, Grèce/Commission, point 105 supra, point 203). »


40      Voir, à cet égard, points 72 à 74 des présentes conclusions.


41      Voir point 54 et note en bas de page 34 des présentes conclusions.


42      Voir, dans le même sens, arrêt du 9 septembre 2011, Grèce/Commission (T‑344/05, non publié, EU:T:2011:440, point 202).


43      Points 111 à 133 de l’arrêt attaqué. 


44      Points 120 et 121 de l’arrêt attaqué, qui portent sur l’appréciation du Tribunal exposée, d’une part, aux points 50 à 74 de l’arrêt attaqué et, d’autre part, aux points 75 à 106 de l’arrêt attaqué. Cette définition erronée est celle mentionnée aux points 15 et 16 des présentes conclusions.


45      Points 130 à 132 de l’arrêt attaqué. 


46      Voir, à cet égard, points 52 à 58 des présentes conclusions. 


47      Souligné par mes soins.


48      Voir, à cet égard, point 28 des présentes conclusions.