Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 novembre 2018), M. et Mme T..., qui séjournaient au sein d'un hôtel exploité par la société La Baie dorée (l'hôtelier), ont été victimes d'un vol d'effets personnels dans leur chambre.

2. Ils ont assigné l'hôtelier et son assureur, la société MMA IARD, en responsabilité et indemnisation de leurs préjudices matériel et moral.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. et Mme T... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors « que l'hôtelier est responsable de plein droit du vol des objets d'un client dans la chambre de celui-ci, dans la limite de cent fois le prix de location de la chambre par journée ; qu'en affirmant cependant qu'il appartenait à M. et Mme T..., clients de l'hôtel, de prouver une faute de l'hôtelier pour engager sa responsabilité du fait du vol d'objets se trouvant dans leur chambre, la cour d'appel a violé les articles 1952 et 1953 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1952 et 1953 du code civil :

4. Il ressort de ces textes que l'hôtelier est responsable de plein droit en cas de vol des effets que les voyageurs apportent dans leur établissement et qu'en l'absence d'un dépôt de ces effets entre les mains de l'hôtelier, d'un refus de celui-ci de les recevoir, ou encore d'une faute de sa part ou des personnes dont il doit répondre, démontrée par le voyageur, les dommages-intérêts dus à ce dernier sont, à l'exclusion de toute limitation conventionnelle inférieure, limités à l'équivalent de cent fois le prix de location du logement par journée.

5. Pour rejeter leurs demandes, l'arrêt retient que M. et Mme T... ne démontrent pas l'existence d'une faute caractérisée de l'hôtelier permettant de retenir sa responsabilité.

6. En statuant ainsi, alors que la responsabilité de l'hôtelier n'est pas soumise à la preuve d'une faute, qui n'est prise en compte que lors de la fixation de l'indemnisation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur la cinquième branche du moyen

Enoncé du moyen

7. M. et Mme T... font le même grief à l'arrêt, alors « que la preuve à l'égard d'une société commerciale peut être rapportée par tout moyen, notamment par une photocopie ou une attestation ; qu'en affirmant cependant que M. et Mme T... n'établissaient pas la valeur des objets dérobés dès lors qu'ils ne produisaient que des photocopies de factures ou estimations, et non les originaux des factures d'achat, la cour d'appel, qui ne pouvait dénier toute force probante aux pièces produites du seul fait qu'il s'agissait de photocopies ou d'estimations, a violé l'article L. 110-3 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 110-3 du code de commerce :

8. Aux termes de ce texte, à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi.

9. Pour rejeter leurs demandes, l'arrêt retient que M. et Mme T... ne produisent aux débats que des photocopies de factures ou d'estimations qui ne présentent aucune valeur probante, les originaux n'ayant pas été fournis.

10. En statuant ainsi, alors que la preuve est libre en matière commerciale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne les sociétés La Baie dorée et la société MMA IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société La Baie dorée et la société MMA IARD et les condamne in solidum à payer à M. et Mme T... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. et Mme T...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. et Mme T... de leurs demandes tendant à ce que la société La Baie Dorée et son assureur, la société MMA Iard, soient condamnés à réparer leur préjudice ;

AUX MOTIFS QUE, lors de son dépôt de plainte au commissariat d'Antibes, M. A... T... a indiqué : « Vers 5h30, je me suis réveillé et j'ai vu un individu qui fouillait vers des livres en face du lit. J'ai hurlé et l'individu est parti en courant par la porte-fenêtre qui donne sur son balcon. La chambre est en rez-de-chaussée » ; que selon les articles 1952 et 1953 du code civil :
« Les aubergistes ou hôteliers répondent, comme dépositaires, des vêtements, bagages et objets divers apportés dans leur établissement par le voyageur qui loge chez eux ; le dépôt de ces sortes d'effets doit être regardé comme un dépôt nécessaire. Ils sont responsables du vol ou du dommage de ces effets, soit que le vol ait été commis ou que le dommage ait été causé par leurs préposés, ou par des tiers allant et venant dans l'hôtel. Cette responsabilité est illimitée, nonobstant toute clause contraire, au cas de vol ou de détérioration des objets de toute nature déposés entre leurs mains ou qu'ils ont refusé de recevoir sans motif légitime. Dans tous les autres cas, les dommages-intérêts dus au voyageur sont, à l'exclusion de toute limitation conventionnelle inférieure, limités à l'équivalent de cent fois le prix de location du logement par journée, sauf lorsque le voyageur démontre que le préjudice qu'il a subi résulte d'une faute de celui qui l'héberge ou des personnes dont ce dernier doit répondre » ; que conformément à ce texte, il appartient à Mme E... H... épouse T... et M. A... T... de prouver une faute de la société La Baie Dorée ; que contrairement à ce qu'ils soutiennent, la preuve n'est pas rapportée d'un dysfonctionnement de la fermeture de la baie à cinq vantaux ; que les attestations qu'ils produisent et qui sont postérieures au sinistre ne présentent pas la moindre valeur probante ; que l'enquêteur de police a indiqué qu'il ne pouvait infirmer ou confirmer les déclarations des victimes sur l'absence de fonctionnement du système de verrouillage ; qu'il est en outre établi que contrairement à la consigne portée à la connaissance des appelants, les volets en bois n'avaient pas été fermés alors que la chambre était située au rez-de-chaussée. Les consignes de sécurité mises à la disposition du client indiquent « fermeture volets-coffre » ; que M. et Mme T... qui disposaient de biens de valeur n'ont pas respecté ces précautions élémentaires qui auraient notamment consisté à mettre les bijoux dans le coffre, coffre qu'ils ont utilisé pour y placer notamment des espèces ; que le fait que le veilleur de nuit ait été occupé à vérifier la mise en place des tables du restaurant pour les petits déjeuners s'avère être sans conséquence compte tenu du mode opératoire du cambrioleur ne lui permettait aucunement d'intervenir ; que l'argument des appelants qui soutiennent que s'il avait été à son poste, il aurait pu immédiatement aviser les services de police s'avère inopérant du fait de la rapidité à laquelle s'est commis le délit ; que M. et Mme T... ne démontrent absolument pas l'existence d'une faute caractérisée de l'hôtelier permettant de retenir sa responsabilité sur le fondement de l'article 1953 dernier alinéa du code civil étant précisé que le vol de leurs bijoux n'a pu avoir lieu que du fait de leurs carences à prendre les précautions adéquates pour éviter un cambriolage ; que surabondamment, il convient de relever que les appelants, pour justifier de leur préjudice ne remettent aux débats que des photocopies de factures ou d'estimations qui ne présentent pas la moindre valeur probante, les originaux n'ayant pas été fournis ; qu'ils n'établissent donc pas la valeur des objets qui leur auraient été dérobés ; qu'en conséquence, le jugement attaqué est infirmé et il convient de rejeter les demandes présentées par M. et Mme T... ;

1°) ALORS QUE l'hôtelier est responsable de plein droit du vol des objets d'un client dans la chambre de celui-ci, dans la limite de cent fois le prix de location de la chambre par journée ; qu'en affirmant cependant qu'il appartenait à M. et Mme T..., clients de l'hôtel exploité par la société La Baie Dorée, de prouver une faute de celle-ci pour engager sa responsabilité du fait du vol d'objets se trouvant dans leur chambre, la cour d'appel a violé les articles 1952 et 1953 du code civil ;

2°) ALORS QUE l'hôtelier qui a commis une faute est tenu de réparer intégralement le préjudice subi par son client du fait du vol commis dans la chambre de celui-ci ; qu'en l'espèce, M. et Mme T... soutenaient que, s'agissant d'un « hôtel de haut standing de niveau 4 étoiles » faisant payer la chambre « 500 € par nuit », ils pouvaient légitimement s'attendre « à un haut degré de sécurité », d'autant que les clients d'un tel hôtel ont souvent « en leur possession des effets personnels de valeur importante » (concl., p. 10 § 9 à 12) ; qu'ils reprochaient ainsi une faute à la société La Baie Dorée consistant à avoir chargé le veilleur de nuit de l'hôtel de mettre en place les tables au restaurant pour le petit-déjeuner au moment où le vol a été commis, au lieu de visionner le système de vidéo-surveillance ou d'effectuer des rondes, permettant ainsi au voleur de traverser le parking et de se rendre dans la chambre de M. et Mme T... située au rez-de-chaussée et de repartir après le vol sans être inquiété (concl., p. 12 § 8 et 9 ; p. 13 § 3 à 9 ; p. 14 ; p. 17) ; qu'en écartant néanmoins la faute de l'hôtelier au motif inopérant que le cambrioleur avait agi rapidement (arrêt, p. 5 § 4 à 6), la cour d'appel a violé l'article 1953 du code civil ;

3°) ALORS QU' en imputant une faute à M. et Mme T... consistant à ne pas avoir fermé les volets de leur chambre, sans répondre à leurs conclusions suivant lesquelles l'hôtelier s'était engagé à fermer les volets tous les soirs (concl., p. 20 § 6 à 9 ; p. 23 § 11 à 13), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE le fait de ne pas placer ses bijoux et autres biens de valeur dans le coffre-fort de la chambre lorsque le client est présent dans celle-ci ne constitue pas une faute ; qu'en affirmant néanmoins le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1953 du code civil ;

5°) ALORS QUE la preuve à l'égard d'une société commerciale peut être rapportée par tout moyen, notamment par une photocopie ou une attestation ; qu'en affirmant cependant que M. et Mme T... n'établissaient pas la valeur des objets dérobés dès lors qu'ils ne produisaient que des photocopies de factures ou estimations, et non les originaux des factures d'achat, la cour d'appel, qui ne pouvait dénier toute force probante aux pièces produites du seul fait qu'il s'agissait de photocopies ou d'estimations, a violé l'article L. 110-3 du code de commerce.