Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 septembre 2018), M. T... a été engagé le 16 septembre 2014 par la société Construction bois concept en qualité de technicien. Le salarié a été victime d'un accident du travail le 21 novembre 2014, à la suite duquel il s'est trouvé en arrêt de travail jusqu'au 19 avril 2015. Malgré ses demandes, il n'a pas bénéficié d'une visite médicale de reprise.

2. Par jugement du 5 octobre 2015, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de la société employeur, M. X... étant désigné en qualité de liquidateur.

3. Le 6 octobre 2015, le salarié a saisi la juridiction prud'homale notamment pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la fixation au passif de la procédure collective de différentes sommes.

4. Le 5 novembre 2015, le contrat de travail du salarié a été rompu à la suite de son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable en sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail alors :

« 1°/ que, selon l'article L. 622-21, I, 1°, du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; que la demande qui tend à la résiliation judiciaire du contrat de travail présente un caractère indéterminé, quel que soit le montant des dommages-intérêts réclamés au titre de la rupture des relations contractuelles ; qu'en déclarant irrecevable la demande de M. T... tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail, au motif que cette demande avait été formée postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire concernant l'employeur, cependant que la demande du salarié ne tendait pas essentiellement au paiement d'une somme d'argent, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21 et L. 641-3 du code de commerce ;

2°/ que selon l'article L. 622-21, I, 2°, du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice tendant à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ; que la demande de M. T... tendant à la résiliation de son contrat de travail était fondée sur l'absence de visite médicale d'embauche et de visite médicale de reprise après son accident du travail ; qu'en déclarant irrecevable la demande de M. T... tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail, au motif que cette demande avait été formée postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire concernant l'employeur, cependant que la demande du salarié ne tendait pas à la résolution du contrat de travail pour défaut de paiement d'une somme d'argent, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21 et L. 641-3 du code de commerce ;

3°/ qu'en toute hypothèse, tant que le contrat de travail est en cours, le salarié est recevable à en solliciter la résiliation judiciaire devant le juge prud'homal ; qu'en jugeant le contraire, au motif inopérant que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail avait été formée postérieurement à la date d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire concernant l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 1184 (ancien) du code civil et les articles L. 622-21 et L. 641-3 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 622-21 du code de commerce :

6. Selon ce texte, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 du code de commerce et tendant à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

7. Pour déclarer irrecevable la demande du salarié de résiliation de son contrat de travail, l'arrêt retient qu'il résulte des dispositions des articles L.622-21 et L. 641-3 du code de commerce que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire interdit d'introduire des actions en justice aux fins d'obtenir, notamment, la résiliation d'un contrat pour défaut de paiement, ce qui est le cas en l'espèce puisque le salarié a sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société et la condamnation de celle-ci au paiement des indemnités afférentes à un licenciement nul.

8. En statuant ainsi, alors que le salarié demandait la résiliation de son contrat de travail aux motifs que son employeur n'avait pas organisé une visite médicale de reprise et ne lui avait pas fourni de travail, ce dont il résultait que son action n'était pas fondée sur le défaut de paiement d'une somme d'argent, la cour d'appel a violé l'article susvisé par fausse application.

Portée et conséquences de la cassation

9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne, par voie de conséquence, celle du chef du dispositif de l'arrêt qui rejette la demande du salarié en fixation de sa créance à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de M. T... en résiliation de son contrat de travail et déboute celui-ci de sa demande en fixation de sa créance à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, l'arrêt rendu le 4 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société [...] , ès qualités, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société [...] , ès qualités, à payer à M. T... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;